Il y a 100 ans, le Kaiser était à Spa

L’arrivée du G.Q.G. allemand en vue de préparer l’offensive du printemps 1918, offensive qui pour Guillaume II allait lui permettre de remporter une victoire définitive sur les Alliés, est précédée d’un va-et-vient incessant dans la Ville d’Eaux qui hébergeait à ce moment, malades et convalescents de l’armée du Kaiser.

Durant un mois, des trains entiers et de lourds camions amenèrent tout le mobilier et le matériel adéquat, ainsi que des ouvriers spécialisés chargés de toutes sortes de travaux. Au départ du Grand Hôtel Britannique, nouveau siège de la gestion de la guerre à l’ouest, des centaines de fils télégraphiques sont tendus en ligne directe jusqu’à Berlin. De larges trouées sont pratiquées à travers bois, champs et prairies. Des phares sont installés sur les hauteurs de Creppe, à Balmoral, route du Tonnelet et sur la colline d’Annette et Lubin. Les hôtels, les villas, les propriétés privées et immeubles divers sont réquisitionnés, occupés et aménagés par des ouvriers venus du nord de la France et des grandes villes belges.

A partir du 3 mars 1918, les communes de Spa, Sart, La Reid ainsi que la partie sud de Theux forment un rayon spécial appelé « Rayon de Spa » et les mesures suivantes sont mises en vigueur et surveillées de très près par la police secrète :
– tous les habitants ayant 12 ans révolus doivent toujours porter leur carte d’identité sur eux et celle-ci doit être estampillée : « Bezirk Spa ».
– pour quitter le rayon ou pour y entrer il faut être muni d’un passeport.
– à l’entrée de chaque maison habitée, un tableau doit être affiché mentionnant les noms de toutes les personnes non allemandes y résidant. – il est défendu d’admettre chez soi durant la nuit des personnes ne figurant pas sur le tableau.
– la détention de pigeons voyageurs est interdite. – il est interdit aux habitants de faire de la photographie.
– la circulation du courrier et des télégrammes est fortement surveillée.

Le feld-maréchal von Hindenburg et le général Ludendorff, qui exercent en tandem le commandement suprême, arrivèrent à la gare de Spa le 8 mars 1918. Le premier s’installa dans la propriété Sous-Bois appartenant à M. Julien Nagelmackers. Le second disposa de la villa Hill Cottage route du Tonnelet.

L’empereur Guillaume II arriva le 12 mars et s’installa d’abord à La Fraineuse avant d’occuper à la mi-avril le château plus spacieux du Neubois. Des aménagements très importants furent apportés à certaines propriétés. Au Neubois, ainsi qu’au Sous-Bois et à Hill Cottage, des abris bétonnés et blindés furent construits en prévision d’attaques aériennes (voir : L’abri du Kaiser : Réalités n°349). Le Neubois fut relié à la ligne de chemin de fer Spa-Stavelot par une voie ferrée qui prenait naissance au-dessus de la halte de Nivezé. La ville dut construire une canalisation d’eau pour alimenter convenablement le château du Neubois, ce qu’elle fit en se servant d’une source jaillissant près du tir de Malchamps.

Sur la terrasse du château du Neubois (carte postale)

Sur la terrasse du château du Neubois (carte postale)


Une surveillance spéciale fut organisée autour de ces résidences. La zone délimitée par la route de la Sauvenière, la route du Tonnelet, Watroz, la route reliant les fontaines du Tonnelet et de la Sauvenière, la promenade d’Orléans et le chemin Sous-Bois fut décrétée zone interdite. Pour se rendre à Nivezé en venant de Préfayhai, il fallait montrer 2 fois sa carte d’identité, sans compter les fréquentes rencontres d’agents de la police secrète. Pour aller de Nivezé à Spa via Warfaaz, il y avait deux contrôles : l’un sur le barrage du lac et l’autre à l’entrée du domaine de La Fraineuse (voir : Les guérites du Kaiser : Réalités n°351).

Le Kaiser séjourna à Nivezé durant une grande partie du printemps et de l’été 1918, mais il fit néanmoins de nombreux déplacements notamment en Allemagne et sur le front au Grand Quartier Général avancé, situé à Avesnes dans le nord de la France. Pendant son long séjour dans notre région, Guillaume II reçut à plusieurs reprises, dans les villas « Peltzer » l’empereur d’Autriche, les rois de Saxe, de Bavière, de Bulgarie, des dignitaires turcs, ukrainiens, allemands, etc.

Début septembre, le vent tourna définitivement. Les armées alliées allaient de succès en succès et les puissances centrales s’effondraient. Le 15 septembre, la Bulgarie unie aux empires centraux se rendit aux alliés, puis le 30 octobre, c’est la Turquie qui cessa la lutte. Le 3 novembre, l’Allemagne restait seule en guerre, l’Autriche-Hongrie avait conclu un armistice sans conditions avec l’Italie.

Le 8 novembre, on annonça que des troupes révolutionnaires allemandes réclamaient l’abdication du Kaiser et menaçaient de marcher sur Spa si Guillaume II n’acceptait pas cet ultimatum. Par précaution, des troupes furent rappelées en urgence du front et arrivèrent à Spa le lendemain, mais leur fidélité n’était plus totalement acquise.

Le 9 novembre 1918, Spa fut le théâtre de l’abdication du Kaiser Guillaume II. Quel en est l’endroit exact ! L’Hôtel Britannique comme on l’a très longtemps prétendu ou bien le château de La Fraineuse ? Depuis quelques années, le doute s’est installé (voir : L’abdication du Kaiser : Réalités n°361) !
La défaite allemande consommée, Guillaume II quitta Spa le 10 novembre, vers 5 heures du matin, en embarquant dans son train particulier. Il en descendit quelques kilomètres plus loin (à la gare de La Reid) pour monter dans une voiture et gagner ainsi la frontière hollandaise à Eijsden près de Visé. Le 11 novembre 1918, dans la clairière de Rethondes, en France, les délégués allemands signèrent la convention d’armistice. L’empereur déchu vécut en exil aux Pays-Bas jusqu’à sa mort en 1941.
Jean Lecampinaire

Sources :
Spa pendant la Guerre 1914-1918 (J. Macquet – 1919)
Rue et promenades de Spa (G.-E. Jacob – 1983)
La petite histoire du village de Nivezé (A. Hans – 2011)
Site de Réalités : www.sparealites.be


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