La Promenade d’Orléans

Carte postale : Entrée de la promenade d’Orléans (côté chemin Sous-Bois )

Carte postale : Entrée de la promenade d’Orléans (côté chemin Sous-Bois )


En 1787, étant malade, Madame la duchesse d’Orléans (née Marie-Adélaïde de Bourbon) se rendit à Spa avec toute sa famille pour y prendre les eaux. Après avoir poursuivi une cure régulière d’eau minérale à la fontaine de la Sauvenière, sa santé fut rétablie. Pour fêter cette guérison, ses enfants firent élever un petit monument cylindrique aux abords de la fameuse source. Parmi ses enfants se trouvait le futur roi des Français de 1830 à 1848, Louis-Philippe 1er, père de Louise-Marie d’Orléans, épouse de notre premier roi, Léopold 1er. Le monument était en bois peint de manière à imiter le marbre blanc. Dessiné par Mérys, il portait le texte suivant :


A LA RECONNAISSANCE
Les eaux de la Sauvenière ayant rétabli la santé de Madame
la duchesse d’Orléans, ses enfants ont voulu embellir les environs
de la fontaine et ont eux-mêmes tracé les routes et défriché ce bois
avec plus d’ardeur et d’assiduité que les ouvriers qui ont travaillé
sous leurs ordres. 

A l’époque, d’après l’historien spadois Albin Body, la « Promenade d’Orléans » se bornait au sentier reliant la source de la Sauvenière au monument élevé en 1787. Lors de la Révolution française, le 6 décembre 1792, le monument fut détruit par des dragons du 3e Régiment français, cantonnés à Stavelot et à Malmedy. Après leur passage, il n’en resta plus que quelques vestiges.

Carte postale : Monument élevé à la mémoire de la duchesse d’Orléans

Carte postale : Monument élevé à la mémoire de la duchesse d’Orléans

En 1837, notre souverain Léopold 1er et son épouse Louise-Marie d’Orléans, venus en visite dans la cité thermale, se rendirent sur le site de la Sauvenière accompagnés du bourgmestre spadois Thomas-François Hayemal. Suite à cette visite, la reine décida d’intervenir auprès de son père, Louis-Philippe, afin que l’on restaure le monument. En 1839, l’administrateur des Jeux, M. Davelouis, fit prolonger la petite promenade le long du ruisseau de la Sauvenière (ru del Sâv’nîre) jusqu’à la lisière du bois. Des petits ponts rustiques enjambèrent le petit ruisseau et des bancs furent installés. Cette extension prit à l’époque le nom de « Promenade du Ravin ».

Le ruisseau de la Sauvenière, qui a fait son lit dans de gros blocs de quartzite, prend sa source dans le « Bois des Minières » situé non loin de l’ancien tir de Malchamps (voir Réalités n°345). Il est parfois appelé ruisseau du Watroz et également ruisseau d’Orléans.

C’est le 27 juillet 1841 que le monument fut rétabli. Cette année-là, le souverain français Louis-Philippe avait envoyé un monument en pierre de Namur, exécuté suivant le modèle de l’ancien.
Le 16 août de la même année, le bourgmestre Hayemal, accompagné du Conseil communal, se rendit sur les lieux afin de l’inaugurer. Après la cérémonie officielle, les musiques de la Redoute et du Waux-Hall ouvrirent la fête.

Voici l’inscription gravée sur le monument réalisé en pierre bleue, afin de résister durablement aux intempéries :

A LA RECONNAISSANCE
 AU MOIS D’AOUT 1787, LES EAUX DE
LA SAUVENIERE AYANT RETABLI
LA SANTE DE
MADAME LA DUCHESSE D’ORLEANS
SES ENFANTS
ONT VOULU CONSACRER LE SOUVENIR D’UN
EVENEMENT SI CHER A LEURS CŒURS, EN
ERIGEANT CE MONUMENT AU BOUT DU BOIS
DONT ILS AVAIENT EUX-MEMES TRACE, FAIT LES
ALLEES, POUR LA PROMENADE DE LEUR
MERE CHERIE 

CE MONUMENT DETRUIT LE 6 DECEMBRE 1792
A ETE RETABLI PAR ORDRE DE S. M. LOUIS-PHILIPPE 1er
ROI DES FRANCAIS, LE 1er JUILLET 1841

Le texte n’est plus exactement le même que celui de 1787, la Révolution est passée par là, les mœurs ont évolué ! Le 7 juin 1843, le souverain français fit placer un grillage métallique autour du monument ; il avait été réalisé par le serrurier Moressée.

Extrait d’une carte de J.C. Bernhard, dessinateur-graveur bruxellois, illustrant le  « Guide des promenades pédestres » édité en  1903 par l’imprimerie V. Goffin de Spa

Extrait d’une carte de J.C. Bernhard, dessinateur-graveur bruxellois, illustrant le
« Guide des promenades pédestres » édité en 1903 par l’imprimerie V. Goffin de Spa


Quelques années plus tard, Joseph Servais, un des créateurs des promenades de Spa, fit prolonger la promenade d’Orléans jusqu’au hameau de Watroz. Cette extension apparaît sur une des cartes insérées dans le « Guide des promenades pédestres » édité en 1903 pour le compte de la société « Spa-Attractions ».

L’extension proposée par le bourgmestre Servais, semble être tout simplement le chemin vicinal n°20 (Atlas des voiries vicinales de 1841), devenu l’actuel chemin carrossable dénommé « Promenade d’Orléans », qui longe le ruisseau de la Sauvenière depuis l’avenue du Tonnelet (pont du Watroz) jusqu’au Chemin Sous-Bois, et cela avec bien moins de proximité et de charme que le sentier venant de la source de la Sauvenière. Au milieu du 19e siècle, le long du chemin vicinal n°20 (voirie empierrée de faible largeur), il n’y avait que quatre habitations.

La « grande » promenade d’Orléans voulue par le bourgmestre spadois ne sera proposée aux promeneurs et aux villégiateurs que durant quelques dizaines d’années, car début du 20e siècle, comme l’atteste la légende de la carte postale, datant des années 1910, représentée ci-dessous, son tracé redevint celui créé à la demande de M. Davelouis à savoir : de la source de la Sauvenière jusqu’au Chemin Sous-Bois.

En 2014, en parallèle à l’exposition consacrée aux peintres paysagistes du 20e siècle à Spa, organisée à la Villa Royale, l’ASBL « Histoire et Archéologie spadoise », à l’initiative de son président Jean Toussaint, décida d’honorer la mémoire de plusieurs peintres en donnant leur nom aux petits ponts enjambant les ruisseaux de la promenade d’Orléans et de la promenade des Artistes. L’initiative n’est pas une première, car à la fin du 19e siècle, la société « Spa-Attractions », à la demande d’Albin Body, avait déjà dédié plusieurs promenades à des artistes de l’époque.

Le long de la promenade d’Orléans, quatre petits ponts rustiques enjambent le ruisseau de la Sauvenière. Le premier pont traversé en abordant la promenade par Sous-Bois, c’est le pont dédicacé à Vital Keuller (1866-1945). Cet artiste, Français d’origine, installé près d’Anvers, est venu durant une vingtaine d’années séjourner plusieurs semaines en pension à la source de la Sauvenière.

Le second pont, situé au pied du promontoire où est établi le monument d’Orléans, est consacré à Gérard-Antoine Crehay (1844-1937). Ce peintre spadois a peint plus de deux mille tableaux. Il disait volontiers « Quand je cesserai de peindre, c’est que j’aurai cessé de vivre ».

Le troisième pont évoque Edmond Xhrouet (1881-1954). Ce paysagiste spadois fut également droguiste, décorateur, professeur puis directeur de l’Académie de Spa. Il fut surnommé « potiquet » pour le distinguer des autres Xhrouet de Spa. (voir page suivante)

Le quatrième petit pont, très proche du monument d’Orléans, est dédié à René Toussaint (1902-1971). Ce paysagiste vécut quasiment toute sa vie à la source de la Sauvenière qu’il tenait avec son épouse. Il a peint essentiellement la fagne de Malchamps et surtout les sous-bois des environs de la Sauvenière et de la Hoëgne (voir page suivante).
Jean Lecampinaire

Carte postale : Promenade d’Orléans     Depuis le 15 juin 2014, ce pont est dénommé « Pont Vital Keuller »

Carte postale : Promenade d’Orléans
Depuis le 15 juin 2014, ce pont est dénommé « Pont Vital Keuller »

Carte postale : Promenade d’Orléans Depuis le 15 juin 2014, ce pont s’appelle « Pont Gérard-Antoine Crehay »

Carte postale : Promenade d’Orléans
Depuis le 15 juin 2014, ce pont s’appelle « Pont Gérard-Antoine Crehay »

Carte postale : Promenade d’Orléans Depuis le 15 juin 2014, c’est le « Pont Edmond Xhrouet »

Carte postale : Promenade d’Orléans
Depuis le 15 juin 2014, c’est le « Pont Edmond Xhrouet »

C.P. Monument et promenade d’Orléans, près de la fontaine de la Sauvenière Depuis le 15 juin 2014, le petit pont se nomme « Pont René Toussaint »

C.P. Monument et promenade d’Orléans, près de la fontaine de la Sauvenière
Depuis le 15 juin 2014, le petit pont se nomme « Pont René Toussaint »

Sources :
Spa, Histoire et Bibliographie (Albin Body – 1892)
Spa-Ancien (Pierre Lafagne – 1934)
Réalités n°187 de mai 1999 (« Le monument duchesse d’Orléans », Pol Jehin)
H.A.S. de 2004 et 2005 (« Spa-Attractions », Monique Poncelet)
H.A.S. de 2014 (« Nom d’un peintre ! », Marie-Christine Schils)


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