Une « Boucle de Spa »,  verte et paisible ?

Ne la cherchez pas sur les cartes destinées aux touristes, elle n’y figure pas et n’est pas balisée. Pourtant, elle relie plusieurs lieux remarquables dont le site de ‘Réalités’ parle bien mieux que je pourrais le faire. Elle est fort courte,  même pas cinq kilomètres, Ses pentes sont douces, elle passe à deux pas du centre-ville ; que voulez-vous de plus ?
Pour la découvrir, le mieux est de se rendre en son point le plus proche du centre-ville: c’est le Parc de l’Ancien Temple Anglican dont l’histoire débute lorsque ce terrain non bâti devint au 19e siècle paroisse de l’évêché de Londres ; une plaque commémorative le confirme. Le temple dont il y est question disparut au siècle suivant mais les arbres qui l’ont encadré sont devenus centenaires; quant au parc il  fut de temps à autre converti en parking pour les « Very Inopportunes  Persons » lors des autres Boucles de Spa ; leurs voitures en faisaient un infâme bourbier que l’herbe tardait à recouvrir.

Heureusement, les habitants de la rue voisine, sous l’impulsion dynamique d’un des leurs, M. Lambert, ont obtenu des édiles communaux l’autorisation d’aménager le parc qu’ils ont joliment renommé en  « Quartier de Vie ».  Dans sa rubrique ‘Patrimoine’, en Mars 2013, le site Internet de ’Réalités, (que je résume en SR.03.13) fournit une ample description de l’édifice disparu. Dans sa revue mensuelle de novembre de la même année (RR.11.13), Réalités relate l’inauguration ; en février 2014, le site (SR.02.14), fournit l’intégrale du beau poème wallon qu’Alphonse Auvray a dédié au temple avec sa traduction française. La Bibliothèque Communale détient la collection complète des numéros parus.

Lisez (ou relisez) le délicieux poème  d’Alphonse Auvray, ensuite, allez saluer le chêne qui fut planté en 2018, pour remplacer le magnifique hêtre pleureur, joyau du parc, qui fut abattu et dessouché parce qu’il avait perdu sa branche maîtresse, Ayant peu de chance de pouvoir vous asseoir sur un des bancs, occupés en quasi permanence par les jeunes et moins jeunes du quartier qui s’y retrouvent pour refaire le monde et laisser courir leurs chiens, quittez le parc par la rue Silvela, prenez à gauche : vous allez suivre une enfilade de rues qui font la haie pour vous voir passer. Ces haies sont tellement diverses qu’elles justifieraient qu’un guide-nature y consacre une demi-journée ; mais votre promenade n’est ni botanique, ni poétique, ni historique, simplement paysagère et surtout relaxante avec un peu de zeste des trois.

Des haies de la rue Silvela, je citerai seulement le Cornouiller sanguin dont les jeunes branches rougissent de plaisir à l’apparition du premier soleil de printemps. Passé l’entrée du Carrefour, un long mur rustique se délabre, et ce ne sont pas les mignonnes linaires cymbalaires qui s’y accrochent qui en sont la cause, même si on les nomme ‘Ruine de Rome’ : c’est le délabrement du bas du mur, qui n’a pourtant besoin que d’un peu de mortier. Vous appelez ‘mauvaises herbes’ celles qui croissent à son pied ? L’une soigne  les verrues, une autre soulage les enroués, chacune ou presque ne demande qu’à vous être utile ! Traversez prudemment l’avenue qui porte le nom de la reine préférée des Spadois, suivez les haies qui délimitent le parc de la Maison Blanche, actuellement pensionnat pour jeunes filles de la Communauté Wallonie-Bruxelles sous le nom de ‘Louise Weiss’, femme de lettres et politicienne qui défendit les droits des femmes au Parlement Européen .

Au premier virage, quittez l’avenue, continuez tout droit pour déboucher sur la rue du Pré Leftay (RR.13.11). Sur la droite, face à la longue haie qui clôture de vastes prairies en pente jusqu’au Wayai, rien que des maisons familiales entourées de jardins, où il doit faire bon vivre.  Les vieux Spadois l’appellent encore ‘chemin des morts’ parce qu’elle a vu passer leurs ancêtres dans leur dernière promenade, quand il n’y avait pas encore d’église à Spa.  Passez sous le Parc Barzin, tout aussi convivial, longez les derniers mètres du Soyeuru (RR.84.10) et franchissez le Wayai ; vous débouchez sur la route Amédée Hesse, qui fut fusillé par l’occupant en 1915.

Une haute barrière, toujours ouverte, vous invite à présent à pénétrer dans un lieu dédié au sport,  le Centre Sportif de la Fraineuse, géré par l’ADEPS, « Administration de l’Éducation Physique, du Sport et de la Vie en Plein Air ».  Son catéchisme, affiché à l’entrée, se résume à trois mots: bouger, s’amuser, partager. C’est un parc privé, raison sans doute  pour laquelle la Maison du Tourisme de Spa n’y balise pas, mais où les promeneurs paisibles sont tolérés. Profitez-en, c’est le plus grand parc de la commune, et il est magnifique !
À votre droite, les bâtiments les plus récents ; à gauche, un splendide  spectacle se déploie sous vos yeux : au fond de la prairie en forme d’amphithéâtre, une cascade déverse les eaux d’un étang bordé de futaie. On croirait découvrir sur la rive la cabane au Canada de Line Renaud … L’illusion est plus complète encore quand des pagaies battent l’eau en cadence. Des Sioux ? Des Comanches ? Non, des ados en stage ‘kayak’.

Suivez paisiblement la route, la côte n’est pas rude. Au carrefour passé les terrains de foot, prenez celle de gauche qui les surplombe : dès qu’elle débouche dans le grand pré parsemé de chalets, quittez-la pour le sentier étroit qui pénètre dans le bois, puis longe la clôture du parc. Comme le rideau d’un théâtre, la ramille semble s’écarter, vous découvrez soudain que vous êtes au pied du plus gros chêne de la commune. Il y a une dizaine d’années, j’ai mesuré la circonférence du tronc : 5m60 ! Une pancarte vétuste y est accrochée, où l’on arrive encore péniblement à lire : « Chêne pédonculé – jeune faucon crécerelle – né dans un nichoir ». Ni l’un ni l’autre ne sont encore en vue … ou en vie ? Encore quelques pas, vous  débouchez au bas du pré du tir à l’arc, une barrière toujours ouverte vous permet de rejoindre le chemin du Fond Gonay ; il y a quelques années encore s’y dressait un hêtre magnifique je l’avais mesuré également : 5m20.  Nous remontions souvent  le  chemin caillouteux pour saluer les deux vénérables ancêtres. Jusqu’au jour où … seule subsistait du hêtre la souche que vous voyez à présent.  Pourquoi ? La tranche, toute fraîche, ne présentait aucun signe de maladie, et notre vénérable ami ne faisait courir aucun risque à un trafic inexistant. Qui donc pouvait-il gêner ?

En descendant le chemin, vous arriveriez rapidement au Lac de Warfaaz, mais il est fort raviné ; le circuit que je vous propose ici le remonte en bordure de la falaise à pic que longe le ruisseau du Soyeuru (RR.87.10  et 98.1). Au sommet, vous rejoignez le Pré-Ravel 44a (RR.07.1 et 2 + 11.2) Le Ravel pourrait vous ramener à Spa, mais ce serait vous priver de la plus belle partie du circuit. Dans le parc de la Fraineuse, un chemin le longe et, entre les deux, un sentier, puis une belle charmille, plus courte, certes, que celle de La Reid, mais qui décrit une courbe élégante. Dommage seulement que, pour en régénérer la voûte, il eut fallu l’étêter, mais c’était nécessaire.

Vous rejoignez le Ravel en contournant les anciennes écuries du Château Pelzer, à l’endroit où il quitte le parc (encore un !) du Domaine de Nivezé (RR.00.12) ; reposez-vous un moment sur son banc le plus proche. Puis vous suivez cette ‘autoroute pour cyclistes et piétons’, le temps de franchir le ruisseau de la Sauvenière ensuite la passerelle au-dessus de la route de Préfayai, mais quittez-la aussitôt après pour rejoindre la Promenade Hanrion (RR.13.8) qui a  retrouvé sa jolie voûte de verdure, bien plus belle encore, car plus diversifiée,  que toutes les charmilles du monde. À l’endroit où notre promenade s’élargit pour devenir une rue, un escalier vous ramènera au Ravel non loin de son terminus (provisoire, j’espère) ; le bout du Chemin Henrotte, puis la route de la Sauvenière en contrebas vous reconduiront sans problème au point de départ … ou à votre domicile spadois.

Si, à l’entrée de la promenade de Monsieur Hanrion, vous avez vu les prunelliers chargés de fruits, n’oubliez pas qu’ils constituent souvent la dernière chance pour les oiseaux de survivre à la disette hivernale. Un petit verre de prunelle, c’est sans doute délicieux, mais faites comme moi… buvez plutôt de l’Elixir de Spa !

À votre santé ! René Houart


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