Pénurie de plumes d’ange

Un conte de Noël d’Etienne Braun

La pénurie avait commencé il y a à peu près deux ans. De crise en crise, l’entreprise qui fabriquait les ailes des anges avait vu son carnet de commandes fondre et envisageait sérieusement sa mise en faillite.

Il faut savoir que les ailes des anges sont très délicates à confectionner. Elles doivent naturellement être sur mesure. Mais, outre cela, elles sont constituées de plumes très rares qu’il faut aller collecter dans le monde entier. Elles ne poussent que sur un sol enrichi aux bonnes nouvelles. En l’absence de bonnes nouvelles, elles flétrissent immédiatement. Et donc, c’était simple : pas de bonnes nouvelles, pas de plumes ; et pas de plumes, pas d’ailes d’anges ; et donc plus d’anges pour aller chanter dans nos campagnes.

La pénurie de plumes d’anges ne s’était pas fait sentir de suite ; au début, les gens avaient encore des réserves de bonnes nouvelles familiales qu’il suffisait de rappeler pour voir le moral des gens se redresser. Mais, petit-à-petit, on avait vu s’effriter les stocks, avec la maladie, l’augmentation des prix, la guerre, les violences, les grèves… Et maintenant, toute la planète était en attente d’une bonne nouvelle de manière à permettre aux anges de se remplumer et de reprendre leur annonce des bonnes nouvelles qui était de leur ressort. Cela tenait du cercle vicieux. Il fallait des bonnes nouvelles pour enrichir les champs de plumes… et il fallait des plumes pour fabriquer les ailes qui permettraient aux anges d’annoncer de nouvelles bonnes nouvelles.

On avait bien essayé de fabriquer des ailes d’anges avec des plumes synthétiques. Un brevet avait même été déposé pour faire pousser des plumes avec des bonnes nouvelles artificielles informatisées et la promotion en avait même été faite sur les réseaux sociaux. Malheureusement, la loi de la croissance s’était vérifiée : ce qui est artificiel ne produit que de l’artificiel ! Seules de vraies bonnes nouvelles pouvaient aider à cultiver les plumes.

Dieu, dans son ciel, s’était bien rendu compte qu’il y avait un problème sur terre. La terre ne parvenait plus à générer assez de bonnes nouvelles. Des mauvaises, cela oui, et à la pelle encore. Même les églises qui, dans le temps, accueillaient des foules de gens qui se saluaient à la sortie, échangeaient les uns avec les autres et faisaient ainsi circuler les bonnes nouvelles, étaient maintenant désertes : seules, y restaient des chaises et on n’a jamais vu une chaise produire une bonne nouvelle ! Dieu n’avait sans doute pas de remède automatique et infaillible pour créer de bonnes nouvelles, mais il refusait d’être définitivement vaincu. Comme il avait encore un ange qui avait plus ou moins ses ailes en bon état, il l’envoya sur terre pour collecter, avec l’énergie du désespoir, quelques bonnes nouvelles, de quoi faire croître quelques plumes …

L’ange s’arrêta d’abord en Belgique. On était en pleine opération « Viva for Life » ; cela donnait tout de suite une poignée de bonnes nouvelles à échanger. Il remarqua aussi des affiches pour la prochaine campagne des Iles de Paix ; là aussi, il mit dans sa sacoche des dizaines de bonnes nouvelles. Il vit un peu partout des crèches dans la rue, aux fenêtres des maisons. Même des gens qui n’avaient rien à faire de la fête de Noël retrouvaient le sourire en les admirant. Et hop ! Quelques bonnes nouvelles de plus ! Il s’arrêta dans des communautés de personnes âgées ; et, là aussi, il glana quelques bonnes nouvelles. Puis, dans des écoles, d’où lui venaient quelques rires et chahuts.

En définitive, ce n’étaient pas les bonnes nouvelles qui manquaient, ce qui manquait, c’étaient des gens qui témoignaient de l’existence de bonnes nouvelles. Il fallait trouver des anges sur terre, non pas des anges avec des ailes de plumes, mais des anges de chair et d’os, des humains, qui n’arrêtaient pas de fabriquer de la bonne nouvelle autour d’eux en étant souriants et positifs.

C’est pour cela que l’ange s’arrêta dans un pays occupé, auprès d’un couple de réfugiés, pour leur demander de faire un bébé qui soit une bonne nouvelle pour le monde. Et c’est ce 25 décembre qu’il va naître !


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