Les taupes, mulots et campagnols

Pour répondre à un lecteur qui s’étonnait de la quantité énorme de taupinières visibles dans les prés et qui s’interrogeait sur le déséquilibre possible dans la chaîne alimentaire, voici quelques précisions sur les liens d’interdépendance entre les espèces et une brève description des micromammifères souterrains et de leur mode de vie.

Les liens d’interdépendance proie-prédateur

  • Le rôle limitant joué par les prédateurs sur les proies est évident (théorie du top-down control). Il est d’ailleurs confirmé par la pratique de la lutte biologique qui arrive à contrôler les insectes ravageurs à l’aide de prédateurs ou de parasites (coccinelles et pucerons par exemple). Il arrive cependant que dans certains cas, la quantité de proies consommées n’augmente pas aussi vite que la densité des proies (les campagnols ont un taux de reproduction élevé) : ceci explique par exemple que les rapaces n’arrivent pas à contrôler seuls les pullulations de rongeurs. Les prédateurs sont « saturés » et leur activité devient indépendante du nombre de proies disponibles.
  • L’inverse se produit aussi : les proies ont également une influence sur les prédateurs. Quand les proies deviennent abondantes, la fécondité des prédateurs augmente. C’est la théorie du bottom-up control qui admet que ce sont les ressources qui jouent le rôle principal dans la régulation des populations.
    En général, cette fluctuation est décalée, la population des prédateurs augmente les années qui suivent celles où les proies étaient les plus abondantes.
    Une remarque importante : pour que la prédation soit un facteur de régulation d’une population (ici les rongeurs), il est nécessaire que le taux de prédation augmente avec la densité de la proie. Il faut pour cela que le prédateur (les rapaces) ait un taux d’accroissement voisin de celui de la proie (les rongeurs). Ce n’est pas réalisé dans le cas qui nous occupe. C’est la raison pour laquelle les rapaces et autres prédateurs contribuent peu à la pullulation des rongeurs (causée par l’abondance de nourriture).

Les campagnols et les mulots

campagnolcranecampagnol
Le campagnol souterrain

L’animal qui préoccupe le plus souvent les jardiniers amateurs est le campagnol souterrain (parfois le campagnol des champs, mais il est moins souterrain que le précédent) ; rate en wallon. C’est un rongeur trapu (+/- 10 cm de long, sans la queue), aux yeux et oreilles très petits. La queue est plus courte que celle des mulots. Le pelage est gris foncé au-dessus avec les extrémités des poils brunâtre ou roussâtre. Les flancs et le ventre sont plus clairs.
Le campagnol a des dents sans racines et les mâchoires présentent un large espace dépourvu de dents. Comme les mulots, c’est un rongeur et il a 16 dents (4 incisives et 12 molaires).

Il vit dans les prairies, les forêts, les terres cultivées et les jardins. Il a une activité nocturne ou crépusculaire et se nourrit principalement de végétaux (mousses, graines, racines, baies, champignons…). Il creuse des galeries peu profondes avec de nombreuses issues. Son nid est en forme de boule faite d’herbe, de mousses et de petites racines. Il se reproduit d’avril à octobre (3 à 8 portées de 2 à 4 petits). Ils peuvent se reproduire à 8 ou 9 semaines et la gestation est de 21 jours.

mulotcranemulotLe mulot sylvestre ou mulot gris

Le mulot se distingue du campagnol par ses gros yeux saillants, ses oreilles plus grandes et sa queue plus longue. Le dessus est gris brun et le dessous gris blanchâtre.
Il vit dans les champs, les haies, les talus, les forêts et les jardins. Il creuse des galeries plus profondes que le campagnol et se nourrit de végétaux (graines, bourgeons, racines, baies, champignons, noyaux) mais aussi de vers, d’escargots et d’insectes.

Son crâne est plus allongé que celui du campagnol et ses dents ont des racines, comme les souris, rats, écureuils, loirs et lérots. Ses mâchoires portent aussi 16 dents. Les incisives sont jaunes ou orangées.

taupecranetaupeLa taupe

Contrairement aux deux espèces précédentes, la taupe (foyon en wallon) est un insectivore.
Elle est particulièrement bien adaptée à la vie souterraine : corps cylindrique, pas de cou, très grosses « mains » en forme de pelles, tournées latéralement et munies de longues griffes aplaties. Le museau est allongé, les yeux sont à peine visibles mais fonctionnels, les oreilles ne comportent pas de pavillon. La fourrure est courte, dense et veloutée.

Les manteaux de taupes étaient recherchés en 1900 – 1920. Il fallait exterminer entre 600 et 800 taupes pour confectionner un seul manteau et l’espèce a failli disparaître de certaines régions. Un seul piégeur pouvait en tuer jusqu’à 8000 par an ! Heureusement, la mode a changé et seules quelques vieilles taupes en portent encore…

La mâchoire est impressionnante : 44 dents (12 incisives, 4 canines, 16 prémolaires et 12 molaires). Les canines supérieures sont plus grandes que les inférieures.
Elle vit dans des galeries profondes (entre 50 et 100 cm) qu’elle creuse (très bien et très vite) à l’aide de ses puissantes « mains » et confectionne une chambre pour installer son nid. Ses longues galeries « de chasse » sont assez proches de la surface et jalonnées de taupinières. Elle les parcourt sans arrêt à la recherche de sa proie préférée : le lombric. Elle consomme environ 50 g de nourriture par jour (vers, mille-pattes, larves, mollusques). Elle se reproduit d’avril à juin : 1 (rarement 2) portée par an, de 2 à 4 petits. La gestation est de 4 semaines.
Elle vient rarement en surface mais sait néanmoins se déplacer sur le sol. Elle nage très bien et on a observé il y a 2 ans de nombreuses taupes qui quittaient à la nage les prairies inondées lors des crues des cours d’eau.

Beaucoup de taupinières…. beaucoup de taupes ?
taupinieresContrairement à ce qu’on pourrait croire, une prairie parsemée d’une multitude de taupinières n’est pas envahie par une armée de taupes ! C’est même le contraire !

La présence de ces nombreux monticules est seulement le signe que le terrain en question n’est pas très riche en lombrics et qu’il faut y creuser beaucoup de galeries (ce qui provoque beaucoup de déblais) pour trouver de la nourriture. Or, plus un terrain est pauvre et moins on y trouve de taupes à l’hectare ; chacune étant obligée d’exploiter une surface plus grande.

A l’inverse, un terrain riche en matière organique et qui est peuplé de beaucoup de lombrics peut très bien abriter beaucoup de taupes sans qu’on puisse en voir la trace : les taupes ont creusé leurs galeries et n’ont pas besoin de nouveaux tunnels pour s’approvisionner. Une fois que le fermier aura rasé les taupinières, il n’y aura plus de trace visible de leur présence.

Pour en savoir plus

  • Sur les relations de prédation : Précis d’écologie : R.Dajoz, Dunod, 1996.
    Le guide illustré de l’écologie : B. Fischesser & M.-F. Dupuis-Tate, La Martinière, 1996.
  • Sur les micromammifères : Guide des mammifères d’Europe: D.Schilling, D.Singer, H.Diller, Delachaux et Niestlé, 1986.
  • Sur les taupes : numéro spécial de la revue de la Hulotte (68/69), P.Déom, 1993.

Christian Guilleaume


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