Bien que non golfeur, le roi Léopold II avait compris que ce sport pouvait être un des moteurs du développement touristique et économique du pays. Industriels, hommes d’affaires et touristes anglais en sont friands, disait-il, il faut donc que Bruxelles, Ostende et Spa aient leur parcours.
Le premier terrain de golf spadois était situé à la Sauvenière, à l’intérieur de la piste de l’hippodrome du même nom. Le journal « L’Avenir de Spa » du 16 juillet 1893, dans sa rubrique « Spa-Saison », évoque une anecdote intéressante concernant son installation. Un des abonnés du journal rapporte qu’un grand nombre d’ouvriers sartois étaient occupés à travailler au champ de course de la Sauvenière pour y nettoyer l’intérieur de la piste à l’occasion du jeu de Golf. N’avons-nous pas à Spa, dit cet abonné, suffisamment d’ouvriers qui cherchent de l’occupation ? M. Dhainaut, concessionnaire du Casino et des fêtes, dit encore cet abonné, ne manquera pas sans doute de donner satisfaction aux ouvriers spadois, ainsi qu’il s’y est engagé dans son contrat !
Quoi qu’il en soit de ces querelles, le Golf de la Sauvenière ne connut pas le succès espéré et fut abandonné. Les joueurs, dont un dénommé M. Limpens, avaient estimé que le parcours était mal dessiné et trop éloigné de la cité thermale.
La Commune chercha un autre endroit pour que les Anglais forts présents à Spa puissent s’adonner à leur sport favori. Elle fut aidée dans sa recherche par les responsables du journal « La Gazette de Spa » et par un New-Yorkais, M. Godfrey Phelps Koop, qui s’occupa avec ténacité de la constitution début mai 1900 d’une société de Golf à Spa. Ce dernier parvint à intéresser deux autres amateurs bien connus, l’Ecossais M. Cameron Hitch et l’Anglais M. Fritz Galay. Le 20 mai 1900, ils obtinrent de M. Dhainaut, concessionnaire du Casino et des fêtes, l’autorisation d’installer le jeu de Golf sur les vastes pelouses de l’hippodrome de Sart.Le journal « La Gazette de Spa » du 27 mai 1900 écrit ceci : « Le moment est venu des constatations, le jeu de Golf est définitivement installé au champ de courses de Sart, le Spa Golf Club est en excellente voie de formation, et les meilleures espérances se fondent quant au succès de la saison qui va bientôt commencer pour lui ».
Début juillet 1900, M. Phelps Koop demanda le patronage royal pour le Spa Golf Club, toutefois il devra attendre 1908 pour l’obtenir. Il était en effet d’usage que les Souverains ne prennent pas sous leur patronage les sociétés nouvelles installées dans les Villes d’eaux.
L’inauguration du parcours de neuf trous du Golf de Sart eut lieu le 26 août 1909 en présence de la princesse Clémentine. A cette occasion, le comité du « Royal Spa Golf Club » avait organisé trois concours. Plus de trente concurrents y étaient inscrits, ce qui constituait un vrai succès. Selon la presse locale, les neuf trous du parcours étaient très bien aménagés et leur variété devrait sûrement plaire aux amateurs de bon jeu. Il n’y a pas de preuves écrites, mais il semble bien que le tracé du parcours ait été confié à M. Willie Park Jr ou à M. Seymour Dunn. Le premier pro (professeur) arrivé au club en 1908 s’appelle M. S. Fremantle, il vient du club d’Ostende. Mais entre mai 1900, date des premières ébauches du Golf de Sart, et août 1909, date de l’inauguration officielle, les polémiques vont bon train. A Spa, il y a une forte opposition à octroyer des subsides avec l’argent des contribuables spadois pour un golf situé sur une commune voisine (Sart-lez-Spa).En 1912, MM. le baron Joseph de Crawhez (bourgmestre) et le docteur Henri Schaltin (échevin) proposent de créer un golf totalement spadois en face de la Sauvenière, sur le terrain des Minières qui fait face à l’hippodrome de l’autre côté de la route menant à Malchamps. La 1ère Guerre mondiale va faciliter la tâche des opposants, le Golf de Sart sera occupé par l’armée belge.
Après la 1ère Guerre, les autorités spadoises décident de relancer la pratique du golf. La Ville, à l’initiative de son bourgmestre, M. le baron Joseph de Crawhez, avec le concours de M. Phelps Koop, invite début mai 1920 M. William Fernie, un golfeur écossais bien connu, ancien champion du monde.
Dans la foulée, la Ville achète, le 25 mai 1920, à M. Denis Bifer, brasseur à Spa, un ensemble de 67 hectares situé à gauche et à droite de la route de la Sauvenière à Malchamps, et signe une convention avec le comte Odon de Béarn, concessionnaire du Casino et des fêtes.
L’avenir du « Royal Spa Golf Club » apparait sous les meilleurs auspices, ce sera un champ de Golf de tout premier ordre. Deux mois plus tard, le 18 juillet 1920, a lieu l’inauguration avec le premier ministre anglais Lloyd George présent à Spa pour la Conférence diplomatique de la Paix. Lors de l’inauguration, M. William Fernie Jr, lui aussi célèbre golfeur écossais, invité pour une démonstration, déclara : « Quand ils seront terminés, les links du Royal Spa Golf Club seront parmi les plus beaux du monde à tous points de vue ».
Mais en 1924, malgré le site enchanteur, le succès escompté n’était toujours pas là. On présume que le terrain communal ne convenait guère à la pratique du golf. Sur ces hauteurs spadoises, il fait souvent froid, le terrain y est assez fangeux et les hivers rigoureux. Lors de l’inauguration Lloyd George et Lord Riddel de Walton avaient reçu tous deux en souvenir une aquarelle du paysagiste spadois M. G. Crehay.
En mai 1927, des industriels verviétois (dont Fernand Houget, Georges et Gaston Peltzer) souhaitent redonner un golf digne de ce nom à la ville de Spa. Ils proposent de l’implanter comme au début du 20e siècle, à l’emplacement de l’ancien hippodrome de Sart. Pour parfaire son installation, il est question d’acquérir un terrain avoisinant appartenant à l’Etat.
La Ville de Spa proposa d’acquérir ce terrain en l’échangeant contre l’ancien terrain de golf de Malchamps. Ce fut fait en août 1927. Le Golf de Spa serait ainsi sur terrain partiellement communal et on ne verrait donc plus d’oppositions politiques lui barrer la route.
Les plans du nouveau Golf Club des Fagnes ont été tracés par M. Thomas Simpson, un architecte anglais spécialiste des terrains de golf. Le parcours aurait coûté 25.000 Livres. La moitié du parcours spadois est située sur l’ancien hippodrome de Sart, la seconde moitié est située dans la forêt domaniale. Les travaux ont été exécutés par M. Charles Bouhana de Paris, spécialiste de la construction de golfs.
L’inauguration eut lieu le 2 juillet 1930. A cette occasion, un match d’exhibition fut organisé. Il opposait la paire anglaise composée de MM. Henry Cotton et Archie Compston à la paire française composée de MM. Auguste Boyer et Arnaud Massy. Les Français l’emportèrent. D’après ces professionnels, le Golf Club des Fagnes présentait un ensemble digne des plus beaux links du Continent.
Le clubhouse a été construit en 1932 suivant les plans de l’architecte parisien M. J. Mauge.
Le golf spadois deviendra en 1955 le Royal Golf Club des Fagnes. Du côté de la famille royale, on sait que le prince Charles et son frère le roi Léopold III appréciaient le parcours spadois.
La cité thermale, détenant une grande partie des terrains du golf, a toujours demandé au club de laisser une place importante pour accueillir touristes et visiteurs.
En réalité, qui possède quoi ? La commune de Spa possède le clubhouse et le terrain des 9 derniers trous sauf le 14 situé sur la commune de Jalhay. L’Etat est toujours propriétaire des 9 premiers trous. Le club ne possède que les bâtiments du pro-shop et du caddy master ainsi que le petit terrain entre les deux.
Cette appartenance communale et étatique a d’ailleurs failli coûter la vie au club spadois dans les années 1990 car l’ADEPS voulut y organiser des stages de golf durant toute l’année. Le président du club parvint à repousser les démarches engagées.
Parmi les bons joueurs ayant été affiliés au Royal Golf Club des Fagnes, on peut citer : Mmes Denise Hauzeur, la comtesse Jack de Beaufort, Agathe Verlegh, Annabelle Haxhe, Joëlle Calembert, Christine Viellevoye, Jacqueline Viellevoye et MM. Roger Grandjean, Yves Mahaim (trois titres de Champion de Belgique). Il faut savoir que le club a plutôt formé ses meilleurs éléments dans le golf féminin.
Les principaux pros y ayant officié : MM. S. Fremantle, A. Vinay, Louis Badella, Sanche de Galard, Stuart Robertson, Gérald Gresse, Arnaud Beaupain
Parmi les présidents, on peut citer : MM. Georges Peltzer, le comte Horace van der Burch, Fernand Houget, Gaston Peltzer, Roger Grandjean, Jean-François Desoer et Daniel Immel.
Quelques VIP ont arpenté les pelouses spadoises, parmi ceux-ci les pilotes de Formule I : Jacques Laffite et Alain Prost.
Jean Lecampinaire
Sources : Les Golfs Royaux de Belgique (Vincent Borremans et Dominique Gendebien : Editions Ventures : 2001), Cent-cinquante Ans d’Histoire de Spa (Georges Spailier : Editions J’Ose : 1979), L’Avenir de Spa (Juillet 1893 et Août 1908 : Fonds Body), Gazette de Spa Mai 1900 et juillet 1900 : Fonds Body), La Saison de Spa (Août 1909, Mai 1920, Juillet 1920, Juin 1927 et Juillet 1927 : Fonds Body)