Par la suite, Polleur fait partie du fiscus de Theux, en d’autres termes du « Marquisat de Franchimont », et plus spécifiquement du ban de Theux. A la fin de l’Ancien Régime, le village de Polleur devient le chef-lieu de la commune du même nom. Cette situation durera jusqu’en 1977, année où suite aux fusions des communes, la commune de Polleur sera à nouveau rattachée à l’entité de Theux.
Le village de Polleur (en wallon Poleur) doit vraisemblablement son nom au cours d’eau qui le traverse. En effet, jadis la Hoëgne (en wallon lu Hwègne) s’appelait « la Poleda », c’est-à-dire « le Polleur », nom que le ruisseau porte encore de nos jours de sa source située dans les Hautes Fagnes jusqu’au « Pont du Centenaire » à Hockai (voir Réalités n°377). Au Moyen Age, la métallurgie du fer s’installe à Polleur et dans ses alentours immédiats. En 1374, un écrit relate l’exploitation de mines de fer dans la région. Les Pollinois convertissent le bois en charbon dans les forêts avoisinantes (le Staneux et le bois de Chaumont) et profitent de l’eau de la Hoëgne pour activer leurs fourneaux, forges et marteaux. En novembre 1468, Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, organise une expédition punitive contre le Marquisat de Franchimont ; il établit son camp près du village de Polleur et fait brûler toutes les maisons et rompre tous les moulins à fer.
Fin du 15e siècle, début du 16e, des installations métallurgiques sont reconstruites (parmi celles-ci : la forge et fourneau du Neumarteau, la forge Denis Mas devenue par après la forge Jean Henri ou fourneau Laval, la forge le Gouge, …), mais elles disparaîtront presque toutes au siècle suivant. Au début du 17e siècle, la peste décime une grande partie du village. En 1676, un incendie détruit 27 maisons.
Au milieu du 18e siècle, le village de Polleur compte une trentaine de maisons et le hameau du Moulin huit maisons. C’est à cette époque aussi que l’industrie textile tente de faire oublier la disparition des forges et fourneaux. Quelques fouleries et filatures s’établissent le long de la Hoëgne. Fin du 18e siècle, on dénombre à Polleur 69 cultivateurs ; ils élèvent du bétail et cultivent la pomme de terre, le froment, le seigle et l’avoine.
En 1789, lors de la Révolution liégeoise, les délégués des cinq bans du Marquisat de Franchimont se réunissent à Polleur. Ils tiennent 25 séances, connues sous le nom de « Congrès de Polleur », à la fin desquelles l’assemblée proclame une « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ».
En 1795, suite à notre rattachement à la France, Polleur devient une commune indépendante et fait partie du département de l’Ourthe.
Liste des Maires, Burgmeester et Bourgmestre :
Jean Simon Orban de 1796 à 1812,
Joseph Antoine Simonis de 1813 à 1819,
Jean Louis Cornesse de 1831 à 1866,
Jean Pierre Cornesse de 1866 à 1880,
Eugène Cornesse de 1880 à 1894,
Pierre Lemarchand de 1894 à 1910,
Félix Deblond de 1910 à 1938,
Armand Brodure de 1939 à 1946,
Albert Lemarchand de 1947 à 1965,
François Gohy de 1965 à 1976.
En 1809, une fabrique de drap s’installe sur la rive gauche de la Hoëgne, en 1850 les bâtiments abriteront une filature à laine cardée puis en 1894 un lavoir pour déchets de fabrication. Cette usine emploiera jusqu’à 150 personnes. La route Verviers-Francorchamps via Polleur a été construite au milieu du 19e siècle et celle reliant Polleur à Theux en 1872. Deux fanfares ont agrémenté les fêtes pollinoises : « L’Echo des Montagnes » créée en 1862 et « Les Joyeux Franchimontois » créée en 1886. A cette époque, Polleur est avant tout une commune rurale où les habitants vivent de la culture herbagère. Au début du 20e siècle le tram arrive au village et une laiterie est créée. En juillet 1943, la Hoëgne sort de son lit, tout le village est inondé en très peu de temps. En 1976 débute la construction du viaduc de Polleur ; cet ouvrage d’une longueur de 464 mètres, permettant à l’autoroute Verviers-Prüm de franchir la vallée de la Hoëgne, a modifié radicalement et définitivement le paysage local. De nos jours, l’habitat de Polleur est devenu principalement résidentiel, il n’y a plus qu’une ferme en activité. Une boulangerie, une épicerie, une herboristerie, un hôtel, un théâtre dénommé « L’Autre Rive », deux salons de coiffure, une pharmacie, quelques praticiens, plusieurs artisans et un marchand de matériaux constituent l’essentiel du tissu économique du village.
Paroisse
L’existence à Polleur d’une chapelle d’architecture romane, dédiée à Saint Jacques le Majeur, est mentionnée dans un écrit daté du 27 juillet 1450. Selon la tradition, elle aurait été construite sur les ruines d’une ancienne chapelle, datant du 4e siècle, dédiée à Saint Materne. Des fouilles menées au début du 20e siècle sembleraient attester de la présence de la tour dès le 15e siècle. Depuis lors, l’édifice a bien sûr fait l’objet de nombreuses transformations : le clocher hélicoïdal (clocher tors) daterait de la fin du 16e siècle ou du début du 17e ; la toiture aurait été refaite au milieu du 17e siècle ; en 1825, la voûte est réparée ; peu avant 1860, la maison qui s’appuyait sur le devant de la tour et qui servait d’école, de maison communale et de logement du vicaire, est démolie.
C’est vraisemblablement début du 17e siècle que la chapellerie de Polleur obtient le statut de vice-cure sous la dépendance de la paroisse de Theux. En 1803, Polleur devient une paroisse totalement indépendante et la chapelle devient église ; elle perdra Jehanster en 1835. Le cimetière actuel a été créé en 1886 ; jadis, il se situait du côté sud de l’église. En 1890, devant la nécessité d’effectuer d’importants travaux, le projet d’une nouvelle église de style néogothique est débattu. En 1901, après bien des tergiversations, l’option d’adapter l’église existante est retenue. Les travaux sont confiés à l’architecte Schoenmackers de Huy ; ils dureront plusieurs années. Le 20 juin 1907, l’église rénovée est consacrée sous le vocable de Notre-Dame par Monseigneur Martin-Hubert Rutten, l’Evêque de Liège. En 1920, le presbytère est aménagé dans une maison voisine.
Parmi les désservants, on peut citer :Mathieu Bredar chapelain en 1557,
Mathy Fabry de 1566 à 1590,
Grégoire Silvius de …. à 1617 (1er vice-curé),
Guillaume Charlier, Herman Delle Choese,
Melchior Dauguste de …. à 1633,
Denis Haeck de 1633 à …. ,
Pascal Coquelet,
Léonard Rogister de 1674 à 1682,
Lambert Boniver de 1682 à 1707,
François Louroux de 1707 à 1737,
François Colsoulle de 1738 à 1772,
Joseph Demarteau de 1772 à 1798,
Jean François Potel de 1798 à 1803,
Jean Nicolas Pignon de 1803 à 1831 (le 1er curé),
Jean Pierre Beuten de 1831 à 1856,
Théodore Larondelle de 1856 à 1881,
Guillaume Delvenne de 1881 à 1883,
Ferdinand Hazette de 1883 à 1896,
François Dumoulin de 1896 à 1903,
Léon Dizier de 1903 à 1912,
Henri Franssen de 1912 à 1940,
Toussaint Leens de 1940 à 1960,
Herman Unden de 1961 à 1973,
Henri Borboux de 1973 à 1981, ? ,
Ignace Nziyomaze de …. à 2012 (curé de l’Unité pastorale de Theux),
Floribert Kaleng Kakez de 2012 à 2014 (curé des Unités pastorales de Theux et Spa),
Jean-Marc Ista depuis 2014 (curé de l’Unité pastorale de Theux)
Au 18e siècle à Polleur, la classe se donnait au 1er étage d’une habitation qui s’appuyait sur le devant de la tour de la chapelle ; l’instituteur était le vicaire du village. Pendant la période française, c’était le curé de Polleur qui donnait la classe dans son presbytère. Après 1831, retour au 1er étage de la maison adossée à l’église, mais l’enseignement n’était plus donné par le curé de la paroisse.
Certaines années, près de 110 écoliers y écoutaient les leçons de l’instituteur. En 1852, les Pollinois construisent un bâtiment qui servira de nouvelle maison communale, d’école et d’habitation pour l’instituteur. En 1866, une école pour les garçons est construite, les filles restent momentanément dans la maison communale. En 1885, une école pour filles est inaugurée. En 1923, une classe de gardienne est ouverte. Après la Seconde Guerre, la mixité sera rétablie dans les classes. En septembre 2015, la nouvelle école communale dénommée « Ecole Laurent-François Dethier » est inaugurée. Durant l’année scolaire 2015-2016, il y avait 44 élèves en maternelle et 96 en primaire.
Citons parmi les enseignants
Martin Joseph Boland de 1831 à …. , …. Leloup de …. à 1858, Léopold Simon de 1858 à 1868, Nestor Wibail de 1868 à …. , Melle Sacré de 1885 à …., Melle Sotrez, Melle Champenois, Mme Darimont, E. Arnoul, Mme Deblond, Mme Blocteur-Delforge, Mme Masson, Henri Gillet, Mme Blateur, Mme Cornesse, Mme Faniel, Mme Robert, Mme Dardenne, …
Actuellement, l’école communale de Polleur est dirigée par Michel Pungur. Les titulaires de classe sont : classes maternelles : Marie-Paule Freymann, Marie-France Constant, Béatrice Hamoir et François Bomboire ; classes primaires : Nathalie Bailly, Christel Drouguet, Jenifer Frebel, Frédéric Ledain et Valérie Dorjo.
CommercesDans les commerces ayant existé au siècle dernier, on peut citer : L’hôtel de la Hoëgne (initialement un café-épicerie-boulangerie « Au repos des chasseurs » propriété de Théodore Devaux ; en 1912 Théodore Devaux le transforme en hôtel-restaurant ; Gustave Philippart-Defour de 1926 à 1945 ; ensuite plusieurs propriétaires se sont succédé ; de nos jours, l’hôtel est enseigné « le Val de Hoëgne »), l’hôtel Novelty, la salle Blocteur-Maréchal, le « café des Etrangers » d’Octavie Delporte, le café-restaurant de Joseph Gazzotti, le café-restaurant-salle des époux Degive-Lange, le « café Franchimontois » des époux Lemarchand-Delporte, le café-salle-épicerie de Joseph Chaballe-Ernotte, le « café du Vieux Pont », le café Herman, le café Joly, l’épicerie de Nicolas Bagnay-Croisier, l’épicerie « Au moulin » de François Crama, l’épicerie de Joseph Gérard, la boulangerie-café-restaurant de François Drosson-Cornesse, la boulangerie Deblon, la boulangerie d’Armand Schmitz-Pottier, la boulangerie « Moderne » de la famille Hurlet-Buche, la boucherie de Félicien Croisier, la charcuterie de Nicolas Bagnay-Blutz, le garage Finck et Barla (agence des motos Gillet), le coiffeur Neuville-Batta, l’épicerie Pernot-Henrard, …
Le moulin de PolleurEn amont du village, un petit hameau s’est constitué autour du moulin. Ce moulin, à l’origine « banal », est déjà cité au 14e siècle. Au fil des siècles, il a été la propriété de plusieurs familles : de Becco, Rodkin, le Meunier, de Hamoir, Hubinet dit Cléban, Daschelet, Nivette, de Schiervel, Cloes, Wathelet, Magis et Devaux. Le moulin cessera de fonctionner en 1961. Il était alimenté par l’eau de la Hoëgne via un petit canal qui s‘amorçait au niveau du barrage dit du Bodeux.
Le vieux pont de PolleurLe vieux pont de Polleur est un ancien pont qui enjambe la Hoëgne. Ce vieux pont, dont on ne connaît pas exactement la date de construction, se trouverait sur le tracé de l’antique voie allant de Trèves à Tongres, déjà mentionnée au 7e siècle. Le tablier du pont est construit en léger dos d’âne au-dessus de deux arches. Le pont de Polleur a été reconstruit deux fois : en 1767 et en 1978. Les reconstructeurs ont veillé à ne pas changer son aspect. Cet ouvrage d’art se trouve sur la liste du patrimoine wallon et a été classé le 24 juillet 1936. Au milieu des parapets, on trouve d’un côté un Christ en fonte daté de 1767 et de l’autre une Vierge à l’Enfant.
Au début du 20e siècle était édité à Verviers, en période électorale, un journal humoristique appelé « Le pont de Polleur ».
Le pont de Polleur est l’objet d’une ancienne coutume locale, c’est là que siégeait un tribunal folklorique qui condamnait le Coucou (c’est-à-dire, le dernier marié de l’année) à être jeté dans la rivière (voir ci-après le chapitre : La bête de Staneux et la fête du coucou).
Le Congrès de Polleur
En 1789, en même temps que la Révolution française, a lieu la Révolution liégeoise. Comment en était-on arrivé là ? Depuis plus d’un siècle, les liégeois subissaient un régime de terreur de la part des princes-évêques : lourds impôts, mépris, injustices, perte des droits acquis… Tous les germes d’une révolte étaient là ! L’affaire des jeux de Spa, un conflit lié à l’exploitation d’une troisième maison de jeux (le Salon Levoz), éclate en 1785. Ce différent traînera plusieurs années et sera une des causes de la Révolution liégeoise. En août 1789, le peuple, à Liège comme à Paris, prend le pouvoir. Parmi les révolutionnaires, on peut citer le Spadois Jean-Guillaume Brixhe, le Sartois Nicolas-Joseph Detroz et le Theutois Laurent-François Dethier. Ces trois hommes font également partie des délégués qui représentent les cinq bans du Marquisat de Franchimont et qui se réunissent à plusieurs reprises à Polleur à partir du 26 août 1789. Ces réunions sont connues sous le nom de « Congrès de Polleur ». A la fin des débats, l’assemblée proclame, à l’unanimité, une « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen » dans laquelle sont formulés les principes de base des démocraties modernes.
Une route fléchée, dénommée la « Route des Droits de l’Homme », a été créée en 1989, lors du 200e anniversaire de l’évènement. Elle part de Theux pour arriver à Polleur en passant par de nombreux villages de l’ancien Marquisat. La carte qui l’accompagne vient d’être réactualisée (Edition Mars 2016).
Le tramLe village de Polleur doit son essor à l’arrivée du tram Spa-Verviers (au départ à vapeur, mais rapidement la ligne a été électrifiée). Trois arrêts étaient prévus dans la localité : Neufmarteau, Polleur-Centre et La Xhavée. C’est en 1907, que la décision de construire une ligne reliant la cité thermale et la cité lainière fut prise. Le tronçon Tiège-Heusy via Polleur a été ouvert au trafic le 20 mai 1911. Un bâtiment avec salle d’attente et magasin fut construit en 1914 au point d’arrêt de Polleur-Centre, il sera démoli en 1971. Après la Seconde Guerre, le succès grandissant de l’automobile, la vétusté des installations électriques de la sous-station de Tiège et le coût trop élevé de l’entretien de la voie poussèrent la Société Nationale des Chemins de Fer Vicinaux à opter pour l’exploitation de la ligne par autobus. Le lundi 30 juin 1952, à 21 h 10’, le dernier tram de la ligne Spa-Verviers quitta la place de la Victoire à Verviers pour regagner le dépôt de Balmoral !
La bête de Staneux et la fête du coucouVoici l’histoire que véhicule la tradition orale. Jadis vivait dans le bois de Staneux, entre Polleur et les Bansions, une bête maléfique. Jamais, on n’avait vu pareille créature. Cette sorte de centaure, mi femme et mi cheval, avec une queue de lion, terrorisait nos ancêtres. Malheur à ceux qui tombaient nez à nez avec elle, car elle les dévorait. Un jour, les Pollinois en eurent assez ; ils se réunirent dans un estaminet local après la messe, afin de peaufiner un plan pour en finir avec cette créature. Le cordonnier du village, sachant que la bête aimait imiter les gestes des hommes, avança une idée pour la capturer. Quel était donc le stratagème qu’il inventa pour neutraliser l’animal ? Il proposa de se confectionner une paire de bottes et d’en réaliser une autre avec des tiges rigides à la mesure de la bête, puis d’enduire intérieurement cette dernière de poix. Le lendemain, le cordonnier, accompagné de tous les hommes du village, partit dans la forêt. Après une longue marche, nos valeureux traqueurs perçurent un grognement sourd provenant d’un fourré tout proche. Pendant que les Pollinois faisaient semblant de retourner au village, le cordonnier déposa les bottes géantes devant les buissons et attendit. Comme prévu, lorsque la bête sortit de sa cachette, le cordonnier enfila ses bottes. La terrible créature l’imita, mais dès qu’elle voulut avancer, les tiges rigides de ses grandes bottes l’empêchèrent de plier les pattes. Elle voulut enlever les chaussures gênantes, mais la poix collait à ses poils ! Les Pollinois sortirent alors de leur cachette et la capturèrent. Ensuite, ils la chargèrent sur un char tiré par un cheval et regagnèrent le village où toutes les femmes étaient là pour les acclamer. C’est alors qu’on s’aperçut que tous les hommes n’avaient pas participé à la traque ! En effet, le dernier marié du village s’était abstenu. On le traita de « Coucou » et on le lança dans la rivière du haut du vieux pont. Depuis lors, dans le village de Polleur, a lieu la fête du Coucou. Ce jour-là, le dernier marié du village, après un jugement sommaire par la cour de justice locale dénommée la « Cour du Coucou », est plongé dans la Hoëgne. Cette fête, déjà pratiquée au 18e siècle, a été relancée dans le courant des années cinquante. De nos jours, la fête du coucou a lieu tous les deux ans.
Jean Lecampinaire
Sources : Polleur – Retrouvailles imagées (Jacques Grosdent – 1983) – L’épopée d’un tram vicinal (Georges Henrard – 2010) – Pollinois de jadis (François Pasquasy – 1980) – La métallurgie au pays de Franchimont, Sart, Jalhay et Polleur (Pierre Den Dooven – 1982) – Si Polleur m’était conté (François Pasquasy – 1970) Mesdames Schmitz et Henrard, Mademoiselle Eline Lopes