Une boule de neige sur le Perron !

L'oeuvre de Sophie Langohr (Photo © Jean-Luc Deru / Photo-daylight.com)

L’oeuvre de Sophie Langohr (Photo © Jean-Luc Deru / Photo-daylight.com)

Dans le cadre de l’action AUX ARTS, organisée par la province de Liège, 16 artistes ont réalisé une œuvre sur ou à proximité directe des maisons communales de seize communes, en ayant pour thème l’idée de citoyenneté.

A Spa, Sophie Langohr a créé sur le sommet du Perron, une « boule de neige » qui évoque ces gadgets que l’on vend dans les magasins de souvenirs. Elle a posé dans cette boule une maquette du perron. De la « neige » est soufflée à intervalles réguliers à l’intérieur de la boule qui est illuminée.
En créant cette œuvre, l’artiste a voulu montrer que les valeurs fondamentales, liberté, égalité, attachées au perron ont perdu de leur force, que les inégalités augmentent et que les actions pour les faire disparaître sont molles. Il ne s’agit que d’une citoyenneté de façade, aussi kitch que ces boules de neige vendues dans les magasins de souvenirs !

Les réactions que nous avons enregistrées lors de l’inauguration étaient diverses. Si certains trouvent le projet agréable à l’œil, sympathique apportant une touche d’humour au monument, d’autres ne sont pas séduits par cette création un peu simpliste, trop peu élaborée. « Bof ! », nous a répondu une autre personne, « on pensera que c’est une boule de Noël pour les fêtes de fin d’année ! »

Nous avons également perçu une réticence de certaines personnes en constatant que les autorités communales avaient accepté de démonter la colonne qui surmonte le monument. Elles ressentent cet acte comme une forme d’abus de pouvoir, où l’on touche à un symbole fort de la ville pour une action culturelle assez futile. Ils craignent également que ce qui a été enlevé risque de se détériorer, de se perdre et de ne plus jamais retrouver sa place.

Interviewé à ce sujet, l’échevin du patrimoine, Luc Peeters, nous a déclaré que le déplacement de la partie centrale du perron avait permis de se rendre compte qu’une pièce métallique qui se trouve au centre de la colonne menaçait de se casser et de déstabiliser l’ensemble du fût. Il est actuellement en réparation. La restauration complète du Perron est prévue en 2011, nous dit-il. Une nouvelle citerne destinée à alimenter les gargouilles a déjà été placée.

L’œuvre était à voir jusqu’au début janvier 2011.

Lien youtube du Film complet des 16 oeuvres de l’action AUX ARTS (durée 1h20).

Quelques éléments sur l’ histoire du perron de Spa (Voir également l’article : Le Perron de Spa)
perron
Le Perron n’a pas toujours été à la place qu’il occupe actuellement. Il a également changé de structure à travers les époques. A l’origine, il est composé d’une simple colonne de pierre posée sur un piédestal. Dans la version actuelle du monument, il est posé sur une fontaine.
Le perron était l’emblème des franchises communales, confirmait les droits de bourgeoisie et l’immatriculation du bourg de Spa aux bonnes villes du pays. Mais il était aussi le symbole de l’autorité religieuse, judiciaire et administrative du Prince-Evêque. Il servait de tribune à la proclamation des édits du prince appelés « cris du perron » ainsi que des mandements communaux (1).
A. Body situe la construction du perron en 1594 en se basant sur un acte communal de cette année relatif au payement de la construction du monument. Quelques années plus tôt, une ordonnance de 1591 du Prince-Evêque de Liège accorde à Spa un franc marché et un perron. (2)

La première représentation du perron de Spa se trouve sur la vue de Jean Valdor de 1603. Le Perron est formé d’un fût reposant sur un piédestal de plusieurs marches. Au sommet, une sphère est surmontée d’une croix.

Un dessin exécuté à la plume en 1641 par un artiste anonyme nous donne une autre image du perron. Il est décrit de la manière suivante par Albin Body (p.452): « Le petit monument était placé devant la Halle. Sa substruction consistait en cinq marches ou degrés de forme hexagonale et disposés en pyramide, au centre desquels, sur un socle, quatre lions accroupis supportaient le perron. Le fût ou la colonne comportait deux parties d’égale hauteur que séparait une moulure ou bourrelet; l’inférieure était à pans coupés en chanfrein; l’autre, superposée, avait la forme cylindrique. Le chapiteau, fait d’une boule ou sphère était surmonté d’une croix « .

Mais en 1674, ce « vieux perron » fut remplacé par une fontaine d’eau douce pour répondre aux besoins des étrangers qui souhaitaient à la fois embellir la ville et obtenir de l’eau douce « lorsque l’eau coulante se trouve troublée par pluye ou diminution par trop de chaleur ». Le Perron était placé au-dessus de cette fontaine. Il ne jouait donc plus qu’un rôle décoratif.

L’auteur des Amusemens des Eaux de Spa la décrivait de cette manière : » Elle est élevée d’environ vingt-cinq pieds, en forme de pyramide. Elle est entourée d’un treillis de fer, dans lequel on entre par quatre ouvertures que l’on y a laissées : on y monte par quelques degrés, pour pouvoir puiser l’eau qui tombe en cascade dans les quatre coquilles qui y servent de réservoirs. Ces coquilles sont continuellement remplies par l’écoulement d’un bassin supérieur, qui reçoit à son tour l’eau qui tombe de la gueule de trois grenouilles de bronze, qui sont posées dans un tas de roseaux de même métal au haut de la pyramide. Ce groupe est terminé par un perron de plusieurs marches, qui est la pièce principale des Armes de Liège « . Le fût de bronze était surmonté d’une pomme de pin et d’une croix.

La présence de grenouilles sur le monument s’explique par le fait qu’elles représentent la spécificité de Spa, à savoir son eau thermale. Le perron était appelé par les habitants « la fontaine aux crapauds ». La pomme de pin au sommet du fût est un symbole de fécondité et d’immortalité.

Un règlement communal interdisait aux blanchisseuses de laver le linge sale à la fontaine. Il était également interdit d’y abreuver les bêtes.
Vers 1850, cette fontaine tombait en ruine et fut démolie. Elle avait aussi le désavantage aux yeux du pouvoir communal de l’époque d’embarrasser la circulation publique. Le perron fut démonté.

En 1893, dans le rapport annuel de la commune, nous lisons que l’administration communale décide de « déplacer le lavoir qui se trouve sur la place de 4 Heures, de le transporter en face, à l’angle de l’Ecole Moyenne (actuel Hôtel de Ville). Il sera remplacé par l’ancienne fontaine monumentale dite « le Perron » dont nous reconstituons l’ensemble en dessin. Des débris de la dite fontaine restent encore à l’Hôtel de Ville ».
Le perron est installé à sa place actuelle en 1898. Depuis une dizaine d’années, l’eau ne coule plus à la fontaine.(3)

Pol Jehin


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