Sur le territoire du village de Nivezé (dont le sol appartient au terrain ardennais de Dumont, c’est-à-dire au terrain schisto-quartzeux sans calcaire), plus précisément sur une bande de terrain d’une largeur approximative de 800 mètres (orientée du S. S. E. au N. N. O.) et d’une longueur mal définie (mais allant du banc du Général jusqu’aux sources du Tonnelet et Marie-Henriette), le gaz carbonique se dégage du sol. Ces émanations de gaz sont appelées « mofettes ».
Ce phénomène, connu depuis des lustres par les habitants du village, a été mentionné pour la première fois en 1818, par L.J. Dethier, dans un ouvrage intitulé « Le Guide des curieux qui visitent Spa ».
« Lu måle air » (le mauvais air), comme les anciens nivezétois l’appellent, était craint à juste titre. Jadis, des maisons avaient dû être démolies, des étables abandonnées et des puits remblayés. En effet, des personnes ignorant le phénomène dans le logement qu’elles occupaient, s’étaient assoupies et avaient été atteintes d’un début d’asphyxie. Des animaux en furent même victimes.
D’après l’hydrologue et médecin Achille Poskin, auteur, en 1887, de la notice intitulée « Les trous au mauvais air de Nivezé (Spa) », ces phénomènes gazeux seraient en rapport avec la proximité toute relative de l’ancien massif de l’Eifel et ces résurgences seraient la phase dernière de l’activité volcanique. Selon lui, le gaz carbonique se manifeste (à l’époque) plus abondamment en huit endroits :
– avenue Fernand Jérôme, dans un terrain proche de la maison Wilkin
– le long du chemin dénommé Haut-Nivezé, près de la maison Dejardin-Wislet
– près de la maison Dambourg, située sur le dessus du chemin précité
– le long du Thier de Pierreuse, près de la maison Gernay-Bertrand
– dans la cave de la maison du garde-barrière, à la gare de Nivezé
– près de l’école du village, dans la cave de la maison Gerlach-Raskin
– dans les environs de la source Marie-Henriette
– à la fontaine du Tonnelet
D’autres points de dégagement de gaz, non cités par le Dr Poskin, étaient encore connus dans le village au milieu du siècle dernier, en voici quelques-uns :
– près de la maison Pironet, chemin Maron
– derrière la laiterie, le long du Soyeureux,
– dans la cave de la ferme Gernay, avenue Jean-Baptiste Romain
– dans la cave de la ferme Gerlaxhe, avenue Fernand Jérome
Auparavant, la fontaine du Tonnelet ne coulait pas au niveau du sol comme aujourd’hui ; il fallait descendre plusieurs marches pour atteindre la salle de la buvette et pouvoir s’abreuver ou remplir ses bouteilles. Certains jours, surtout lorsque « le temps allait se mettre à la pluie », le phénomène était présent et, il était alors impossible d’atteindre la pièce en sous-sol sans y risquer l’asphyxie.
Actuellement, on parle beaucoup moins du «måle air» car certains propriétaires, concernés par les «mofettes», ont réalisé des travaux pour s’en débarrasser. Mais, il est toujours présent à plusieurs endroits. C’est le cas chez Paul et Mariette Gernay-Counet ; ils habitent une magnifique ferme rénovée, située avenue Jean-Baptiste Romain, non loin du ruisseau le Soyeureux. Certains jours, dans leur cave, au niveau du sol, une couche de gaz d’une épaisseur d’un mètre environ, est présente. Ce gaz, d’une odeur piquante, est irrespirable. Dans un premier temps, on ressent une difficulté à respirer, survient ensuite une asphyxie assez rapide, accompagnée d’un mal de tête et de vertiges.
Jean Lecampinaire
Sources :
Les trous au mauvais air de Nivezé-Spa (Dr A. Poskin – Editions Manceaux – Bruxelles – 1887)
Monsieur et Madame Paul Gernay-Counet, Madame Monique Dambourg, Monsieur Francis Delvenne