Soldats allemands en 1914 (date précise inconnue) photographiés devant la maisonnette du garde-barrière au passage à niveau n°18 de ligne de chemin de fer Spa – Gouvy. Cette ligne, construite de 1863 à 1867, coupa en deux la partie inférieure de la propriété de l’industriel verviétois Edmond Joseph Adolphe Simonis (1806-1875) dénommée le « Domaine de Nivezé ».
La gare (Bahnwache) de Nivezé, en réalité un petit bâtiment en bois comprenant une salle d’attente et un bureau de distribution de billets (voir carte postale de l’article intitulé : La halte du chemin de fer à Nivezé), était située de l’autre côté de la voie ferrée, presqu’en face de la maisonnette. Dès 1873, les Nivezétois avaient réclamé un arrêt au niveau de leur village, mais la halte de Nivezé ne fut ouverte aux voyageurs que le 1er juin 1907. Le dernier train de voyageurs a fait halte à Nivezé le 1er août 1959. La maisonnette figurant sur cette photo a été détruite fin des années 1950.
Début d’août 1914, lorsque les troupes allemandes envahissent notre région, Nivezé est un village où chacun vit paisiblement de son travail et où jamais rien ne vient troubler la quiétude d’une vie calme, quoique pleine de labeurs. La fenaison venait de se terminer, la saison avait été bonne, le beau temps promettait un séjour délicieux aux nombreux villégiateurs venant chaque année chercher le repos et le calme au milieu des « Campinaires ».
Depuis la fin de la matinée du 4 août, de nombreux régiments allemands traversent la ville thermale en direction de Liège. A partir du 6 août, la voie de chemin de fer est à nouveau dégagée, de nombreux trains allemands passent dans la campagne nivezétoise en direction du front liégeois.
Le 10 août, un énorme contingent de soldats allemands bivouaque à Nivezé et des incidents se produisent. En voici le récit : « Révolver au poing, ils firent le sac des estaminets et burent plus que de raison. Certains d’entre eux se livrèrent même à des scènes d’une violence extrême. Dans une ferme, ils firent subir les derniers outrages à une femme qui attendait un bébé tandis que le mari tenu en respect par d’autres énergumènes, assistait impuissant à ce pénible spectacle. La pauvre femme fut malade depuis et, un mois plus tard, elle mettait au monde un enfant mort.
Dans une autre maison, d’autres forcenés abusaient d’une vieille fille âgée de plus de cinquante ans ; en sortant, ils renseignaient le lieu de leurs courageux exploits à d’autres enragés qui s’acharnaient de nouveau sur la même victime et, cette fois, sous les yeux de deux bambins de 5 ans et de 7 ans. Rien ne retenait donc ces bandits, pas même l’enfance !
Plus loin, les mêmes faits furent sur le point de se produire. Il n’y eut là qu’une tentative de violence, la femme ayant pu parvenir à s’échapper. Mais le mari fut forcé, sous menace de mort, de chercher l’endroit où son épouse s’était réfugiée et le forfait se serait accompli si une patrouille n’avait empêché les brutes de recommencer.
Ces méfaits, portés à la connaissance de l’état-major installé à l’hôtel Britannique, par MM. Peltzer et le curé de Nivezé, furent réprimés. Quelques-uns de leurs auteurs furent passés par les armes. Au cours de cette nuit mouvementée où Nivezé connut les brutalités allemandes, la soldatesque ne s’en prit pas seulement aux boissons alcooliques, elle dévasta la récolte de foin, détruisit des clôtures et mit à sec le réservoir d’eau alimentant le village en brisant les robinets de toutes les fontaines publiques ».
Le 13 août, deux soldats allemands impliqués dans les incidents précités ont été fusillés et à Nivezé, deux mille soldats occupent les maisons, les étables et les écuries. De nombreux vols ont été constatés. Le 15 août, les villages de Nivezé, Tiège et Sart sont de nouveaux bondés de troupes. Elles y sont en cantonnement en attendant l’ordre d’avancer. Le mardi 18 août, l’armée allemande quitte la région spadoise et se dirige vers Liège. Cinq cents hommes sont maintenus à Spa pour surveiller la population locale.
Peu après le début de la guerre, la Croix-Rouge belge aménage des hôpitaux dans le centre de Spa (galerie Léopold II, hospice Saint-Charles, …) sous la direction du Dr. Achille Poskin. Début septembre, un dispensaire de la Croix-Rouge est installé à Nivezé dans la propriété de Georges Peltzer – de Rossius, enseignée « Le Vieux-Nivezé ». Fin octobre, l’autorité allemande décide d’installer à Spa un centre de convalescence destiné aux soldats allemands et le 10 novembre 1914, elle fait fermer les installations hospitalières de la Croix-Rouge belge.
Jean Lecampinaire
Sources :
Guerre et Paix, Spa de 1914 à 1920 (Editions du Musée de la Ville d’eaux – 2008)
Spa pendant la guerre 1914-1918 (Ad. Communale de Spa – 1919 – J. Macquet)
Le vengeur ou Les bons et les mauvais patriotes (1919 – L. Marcotte)
Spa – Stavelot, histoires de tortillards ardennais (Editions Sabel – 1999 – G. Henrard)
Guerre et Paix, Spa et l’Europe 1914-1920 (Editions du Musée de la Ville d’eaux – 2018)