Ma ville …

S’il y avait beaucoup de neige en janvier (et généralement il y en avait beaucoup!), l’année commençait en se lançant sur de longues « glissades » luisantes jusqu’à la nuit tombante (en fait jusqu’à ce que nos parents nous rappellent) sur la place Achille Salée devant l’église. et cela après un mercredi après-midi de congé le plus souvent passé à dévaler en ‘sployon’ ou en luge les routes verglacées de la Géronstère ou du Rener.

Le chalet russe à l'époque " où il y avait encore de la neige en hiver ".

Le chalet russe à l’époque  » où il y avait encore de la neige en hiver « .

Plutôt rares à l’époque étaient ceux qui pratiquaient le ski au Thier des Raixhons. Si nous y allions, c’était plutôt en spectateurs pour admirer les filles de classe qui elles skiaient.

En février venait le cortège et le grand feu de Mathy Loxhet dans le fond du parc et les festivités organisées par les Bobelurons dont un grand bal dans la salle des fêtes du casino. Mais à l’époque, nous avions déjà droit au « bal des enfants »!

Dans ma rue existaient encore deux fermes « chez Linchamps » et « chez Mathieu ». Quand l’hiver j’allais chercher le lait à la nuit tombée (après la traite), la rue était éclairée par de rares ampoules (nous disions « loupiotes ») qui se balançaient au gré du vent au-dessus de la chaussée pavée. Ma crainte d’enfant tenait aux pannes d’électricité fréquentes à l’époque et ma terreur de me retrouver dans l’obscurité totale en l’absence de toute autre source lumineuse.
Le printemps venu, nous troquions nos traîneaux contre nos vélos pour aller faire le tour du lac et -pourquoi pas- un tour en pédalo. Le sommet de la saison estivale était « la bataille de fleurs ». L’occasion d’admirer les plus jolies filles de la ville perchées sur des chars et nous lançant des œillets. Au moment du grand prix de Francorchamps, le parking du Grand Hôtel Britannique accueillait des voitures de tourisme et de sport appartenant à des spectateurs ou -qui sait- des coureurs qui faisaient l’admiration des gosses du quartier.

L'hôtel du trianon - Rue du Wauxhall

L’hôtel du trianon – Rue du Wauxhall

Entre-temps, sans doute depuis Pâques, les deux hôtels de la rue (« Le Trianon » (voir photo) et « Les Palmiers » avaient rouvert leurs portes. La venue d’une clientèle « étrangère » mettait davantage d’animation dans le quartier.

Le passage au Pouhon Pierre Le Grand était un véritable rite. Nous nous amusions à voir monter les verres depuis la source en contrebas jusqu’au rez-de-chaussée sur un petit monte-charge entraîné par une chaînette. A la source même, nous emplissions nos bouteilles avec une sorte de chasse-pied… .

Juste avant la rentrée des classes, nous assistions au centre-ville au départ du rallye Liège-Rome-Liège (puis Liège-Sofia-Liège) dont le départ et l’arrivée avaient lieu à Spa. Le contraste était saisissant entre ces voitures rutilantes parties trois par trois de la rue Royale et celles que nous découvrions couvertes de boue (sans doute due à l’ascension du « Stelvio » à leur retour à l’entrée du parc de Sept Heures quelques jours plus tard.
Puis venait la rentrée… Nos instituteurs nous emmenaient à la découverte des baies sauvages dans les bois de Mambaye. Aux abords du « Champ des sports », nous emplissions nos poches de marrons, de faînes et de glands. Le dimanche, nous assistions aux matches de l’équipe locale (aux exploits du gardien de but Jean Minet et aux sautes d’humeur de Nestor Docquier …) avant de rentrer réchauffer nos pieds gelés dans un des ‘tiroirs’ de la cuisinière à charbon sur la taque de laquelle frémissaient des châtaignes. Sur ce même terrain de football s’installait parfois un cirque (« Zappy Max » en était l’animateur, « Bio Dop » le ‘sponsor’) dont le droit d’entrée était un peu trop élevé pour que ma mère, veuve, puisse me l’offrir. Il nous arrivait aussi d’aller observer les tendeurs du côté de Tiège.

La foire de novembre était « la foire » tout court (pas encore ‘aux noix’). On y vendait surtout ‘du blanc’, l’occasion pour nos mères de renouveler les parures de lit.

Les mercredis après-midi étaient la plupart du temps consacrés au foot, le plus souvent dans l’enceinte du Waux-Hall où nous disputions des matches acharnés contre les pensionnaires de l’orphelinat qui occupaient alors les lieux.

A l’époque, Saint-Nicolas venait plutôt rarement jusqu’à nous. Nous allions à sa rencontre au ‘Grand Bazar’ de Liège. L’occasion de découvrir, yeux ébahis, les merveilleux étalages où s’agitaient toutes sortes de personnages dans des décors fabuleux avant de reprendre le tram vers les Guillemins.

A l’approche de Noël, notre ville ne supportait guère la comparaison. Quelques ampoules multicolores se balançaient en travers de la rue des Ecomines. Place de la Providence, on achetait dans une petite boutique quelques boules, une flèche tous les trois ans et quelques vraies bougies torsadées que l’on accrochait aux branches d’un vrai sapin qui ne tarderait pas à perdre ses aiguilles. Cela avant de se rendre à la messe de minuit au cours de laquelle le chantre chantait « Minuit Chrétien » depuis la tribune, tout en se bouchant l’oreille gauche avec un doigt et accompagné par un organiste à la chevelure d’artiste.

Telle était ma ville dans les années cinquante. Une ville que les moins de soixante ans ne peuvent pas connaître…

Paul Parthoens


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