Les Arcades : espoir, position, histoire

arcadesbis

Un espoir pour les Arcades

Deux décisions prises en cette fin d’année permettent d’envisager un avenir meilleur pour les Arcades. Tout d’abord, suite à la plainte des propriétaires, le tribunal a désigné un expert qui devra faire un rapport sur la stabilité du bâtiment, ses possibilités de réhabilitation, et l’analyse de l’incidence des vibrations provoquées par le charroi de la route et des infiltrations d’eau venant du Wayai sur l’état du bâtiment. L’échéance du 31 janvier est donc reportée de trois mois.

Les Arcades placées sur la liste de sauvegarde

Suite à l’avis de la Commission des Monuments et Sites, le ministre Van Cauwenberg a inscrit le monument sur une liste de sauvegarde. Cette procédure garantit une sauvegarde du bâtiment pour une durée d’un an, avant son éventuel classement. Ce classement permettra aux propriétaires d’obtenir des subsides pour la consolidation des Arcades ou leur démontage.

Les Arcades et la destruction du patrimoine architectural spadois

L’Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Spadois a fait part de ses préoccupations au sujet de l’avis de démolition des  » Arcades  » aux responsables politiques de la commune.
En voici le texte.

Monsieur le Bourgmestre, Mesdames, Messieurs les Echevins et Conseillers communaux,

Constituée début 1998, notre association s'est donné pour objectif de sauvegarder et défendre le patrimoine naturel et architectural de notre ville. Nous pensons en effet que la qualité de vie des Spadois, mais aussi les développements touristique et économique de Spa, sont étroitement liés à la préservation de son environnement naturel et à la mise en valeur de son patrimoine architectural.

Sur le plan urbanistique, plusieurs événements et projets récents nous inquiètent particulièrement. A savoir: la démolition du "Laeken" (Heures Claires), les projets de démolition du "Pommier à Pommes" rue de l'Hôtel de Ville, du "Palace", de l'hôtel d'Annette et Lubin, l'état d'abandon du Waux-Hall et de nombreux édifices anciens appartenant à des propriétaires privés. A cette liste vient s'ajouter le projet de démolition des "Arcades". Tout ceci nous pousse à nous interroger sur le projet de développement urbanistique de Spa que le pouvoir communal met en oeuvre.

Nous sommes très étonnés de l'empressement avec lequel le Bourgmestre a délivré un arrêté de démolition des "Arcades" sans même analyser les possibilités, sur les plans technique et administratif, de sauvegarder le bâtiment. S'il était important de prendre dans l'urgence des décisions pour assurer la sécurité des personnes, il est, à notre avis, indispensable de tout faire pour aider les propriétaires à utiliser les ressources administratives leur permettant de financer la stabilisation et la restauration du bâtiment. Les "Arcades" constituent l'un des éléments qui confèrent au centre de Spa son cachet particulier. Il est absolument nécessaire de tout mettre en oeuvre pour tenter de sauvegarder ce bien.

Cette précipitation à démolir les "Arcades" est révélatrice du peu d'intérêt que vous semblez manifester pour les monuments anciens de notre ville. Ce qui apparaît également au vu de l'état d'abandon d'un nombre important de bâtiments dans le centre urbain. Nous pensons que les autorités communales doivent, au contraire, prendre des mesures pour empêcher la destruction du capital architectural de Spa. Concrètement, il conviendrait de mettre en place une véritable dynamique de restauration et de rénovation des nombreux bâtiments dignes d'intérêt que compte l'agglomération spadoise. Dans cette logique, la Ville de Spa devrait collaborer pleinement avec les autorités administratives compétentes en matière de patrimoine, notamment la Commission Royale des Monuments, Sites et Fouilles. Des projets de rénovation peuvent être entrepris dans le cadre des ZIP (zones d'intérêt prioritaire). Dans le cas des "Arcades", ceci permettrait de financer (à hauteur de 60% au moins) les travaux de démontage partiel - stabilisation - restauration que les propriétaires ne pourraient payer par leurs propres moyens. Cependant, ces projets doivent être insufflés par les autorités communales, qui constituent un véritable moteur de l'initiative et entraînent ainsi l'adhésion des propriétaires privés à un projet d'ensemble.

Nous ne voyons rien de tel dans notre commune. Comment expliquer ce manque d'initiative pour conserver à Spa son caractère de "ville 1900" qui fait tout son charme? Mme de St Georges avait pourtant, dans son étude, mis en évidence ces potentialités de notre ville. Cette absence d'initiative s'explique-t-elle par votre volonté de mettre en place de nouveaux complexes immobiliers au centre ville? Des informations font état de tels projets pour le quartier des "Arcades". Qu'en est-il réellement? Dans cette hypothèse, auriez-vous l'amabilité de nous en informer et d'informer la population spadoise?

A titre d'illustration de nos propos, songeons à l'avenir de l'hôtel Palace. On parle de démolition avant reconstruction d'un bâtiment neuf. Nous insistons au contraire pour que la structure actuelle du bâtiment soit conservée. La rénovation de l'hôtel Alfa à Balmoral a été appréciée unanimement. Elle est certainement l'exemple dont la Ville de Spa doit s'inspirer.

En vous remerciant d'avance pour l'attention que vous voudrez bien apporter à ce courrier et des réponses que vous apporterez aux interrogations qui y sont soulevées, nous vous prions de recevoir, Monsieur le Bourgmestre, Mesdames et Messieurs les Echevins et Conseillers communaux, nos meilleures salutations.

Les membres de l'ASPS: Bd Marie-Henriette 7 à 4900 Spa.

arcades5

Quelques mots sur l’histoire de la galerie  » Les Arcades « 

Pour comprendre dans quel contexte la galerie des Arcades a été construite, faisons un très bref rappel historique: dans son histoire, le « nouveau  » Spa a connu deux époques particulièrement florissantes. La première au 18ème siècle, c’est l’époque où l’on construira les « maisons de jeux  » ou « maisons d’assemblées  » : d’abord la Redoute (qui deviendra plus tard le casino), puis le Waux-Hall et le salon Levoz. Les gens viennent de tous les coins d’Europe pour passer la  » saison  » à Spa. C’est  » l’âge d’or  » de Spa . La révolution française, qui a duré environ 20 ans, vient mettre une fin à cette époque. En 1807, un gigantesque incendie détruit plus de 300 maisons à Spa.

C’est dans les années qui vont suivre cet incendie que va réellement commencer l’histoire du développement urbanistique et de l’aménagement urbain de Spa. En 1820, on construisit un premier bâtiment rectangulaire pour abriter le Pouhon Pierre-le-Grand. Ce bâtiment ne semble pas plaire à tout le monde, et en 1851, un concours d’architecture est ouvert pour la construction d’un nouveau bâtiment au Pouhon. (Celui-ci sera inauguré en 1880). C’est aussi à cette époque que l’on envisage la construction de  » promenoirs couverts  » et c’est dans cette optique qu’entre 1854 et 1858, l’architecte Delsaux réalisa la galerie  » les Arcades « .

arcadesprojet

Sur le schéma réalisé d’après un ancien plan, vous pouvez voir qu’il était question de prolonger la galerie couverte des Arcades pour rejoindre le Pouhon (encore sous sa forme rectangulaire) mais ce projet ne se réalisa pas et le tout demeura dans l’état actuel. Pour l’anecdote, vous remarquerez sur le schéma, que la jonction vers l’ancien Hôtel de Ville (rue du Moulin) semble assez étroite. Sachez qu’il a fallu attendre 1926, avec la démolition des bâtiments en pointillés, pour que cette ruelle, permettant à peine le passage d’une brouette, soit remplacée par l’actuelle rue Générale Bertrand.

Les Arcades vers 1940

Vers 1940, les Arcades étaient occupées par plusieurs petites boutiques. Madame Julia Merlin, dont les parents tenaient un magasin de chaussures au coin des Arcades, dans la rue Entre-les-Ponts a bien voulu nous les décrire : (vu de face, de gauche à droite) il y avait d’abord un café, chez  » Pierre « , devenu plus tard le café Pottier puis chez Bontemps, cafetier et taximan (l’oncle de Roland, le photographe), à côté c’était une teinturerie et magasin de laine  » Pingouin  » chez les demoiselles Fayen et Antoine, c’est dans cette partie que plusieurs réfractaires se cachèrent (voir l’article  » la bande à Bouboule « ), ensuite, il y avait un opticien  » optique Lahaye  » puis une maison de couture de Liège, un électricien, chez  » Bihin  » et au coin, un magasin de tabac-cigares, chez Rappe devenu plus tard une graineterie chez Cécius .

Les Arcades et la bande à Bouboule (témoignage d’un  » réfractaire « )

Au sujet des Arcades, nous avons contacté Monsieur Fernand Leroy qui a vécu dans ce bâtiment l’un des moments les plus durs de sa vie. En tant que réfractaire, Monsieur Leroy a passé près de 18 mois, caché dans les Arcades.

Voici son récit :  » Pendant la guerre de 40, j’ai essayé d’échapper à la soldatesque allemande. Il m’ont trouvé et emmené à la Citadelle où je fus rossé et maintenu en détention pendant quelques jours. Après cela, ils m’ont dit :  » fais ta valise, tu as deux jours pour te rendre comme prisonnier et partir pour l’Allemagne ! » Bien entendu, je n’ai pas obéi. Revenu à Spa, j’ai été pris en charge par l’organisation qui s’occupait de trouver des caches pour les réfractaires. (J’ai appris plus tard, que les Allemands avait séquestré ma sœur Thérésa pendant plusieurs jours et ce, afin que je me rende). C’est ainsi, qu’en compagnie de 5 autres camarades (Julien Georges, le vicaire Thyssens, Jean Broers, Monsieur Demeure et Lucien Lamby), je me suis retrouvé dans les mansardes des Arcades. Julien et moi, y sommes restés cachés pendant 18 mois ! 18 mois sans sortir. Je vois encore la tête de mes camarades, couchés sur le lit et tirant la figure parce qu’ils n’avaient pas de cigarettes. Comme je ne fumais pas, je n’avais pas ce problème.

bouboule

Pour survivre, nous devions nous procurer des tickets de rationnement. Pas toujours facile, mais nous avions nos combines. Le comble, c’est que nous étions juste en face des locaux de la Feldgendarmerie (rue Xhrouet). Lorsque nous les voyions partir en patrouille, nous avions un moyen pour prévenir les autres réfractaires cachés : un jeune garçon juif allait porter un message codé dans les boîtes aux lettres.

Jamais je ne trouverai assez de mots pour dire merci à Lucie et Jeanne, les demoiselles qui nous ont cachés au péril de leur vie. Si on nous avait découverts, elles auraient à coup sûr été emportées vers l’un de ces maudits camps de concentration, et nous avec. Je pense encore souvent à mes camarades et surtout à Julien, mort tragiquement en 1945, alors qu’il était en service commandé dans la brigade Yser, en Allemagne. Julien s’était marié avec Lucie après la libération, il laissait derrière lui une jeune épouse bien seule.

Dans les derniers jours avant la libération de notre région, nous nous étions rendus à Banneux pour un parachutage qui n’a pas eu lieu. Au retour, mes pieds étaient en sang, je n’avais plus mis de bottes depuis 18 mois ! C’est avec les pieds bandés que j’ai vu le 10 septembre 1944, ce que nous attendions depuis si longtemps : la libération de Spa par les troupes américaines « .

Pendant sa retraite forcée, Monsieur Leroy s’adonnait à sa passion : la sculpture et la marqueterie. Il y réalisa de très belles statues de vierges et des têtes de Christ.

C’est aussi pendant cette période qu’il écrivit un monologue en wallon, paru dans le journal  » Le réfractaire  » et qu’il dessina à l’encre de chine, les profils des réfractaires des Arcades , nous vous livrons ici une copie de ce dessin :

On reconnaît de gauche à droite : Julien Georges, Fernand Leroy, M. Demeure, M. le Vicaire Thyssens, Jean Broers. Dans le coin inférieur gauche, Melle Lucie Antoine (Vve de Julien Georges), dans le coin inférieur droit : Melle Jeanne Demeure et au milieu : le chat  » Sa Majesté Bouboule « .

Jean-Marc Monville


Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *