Le Waux-Hall

Le Waux-Hall en 2013.

Le Waux-Hall en 2013.

Pour raconter son histoire, il faut, retracer brièvement les raisons pour lesquelles on a créé à cette époque des salles de jeux qui ont amené la prospérité de Spa. Mais avant cela, il est nécessaire de parler du développement du bourg, qui est lié à la réputation de ses fontaines c’est-à-dire des eaux minérales connues depuis longtemps car, comme nous l’avons montré dans un article consacré à l’étymologie de Spa, ce nom vient d’un mot latin signifiant fontaine jaillissante.

Le médecin personnel du prince-évêque Erard de la Marck, Gilbert Limborgh [1471-1567] fut le premier à décrire les « fontaines acides » c’est-à-dire ce que nous appelons maintenant les « Pouhons » et à en vanter les vertus.

Mais, au XVIIè siècle , bien qu’il y eût déjà des visiteurs étrangers, Spa n’était encore qu’une bourgade perdue, avec des chaumières construites en torchis, et des auberges au confort très relatif. Cependant, les étrangers se firent plus nombreux, et le bourg se développa. Mais seuls, les gens fortunés pouvaient se permettre de venir à Spa et de plus, beaucoup craignaient à juste titre d’affronter les dangers et les fatigues d’un long voyage par des routes affreuses.

Le Waux-Hall en 2002


Aussi, des médecins eurent-ils l’idée de transporter l’eau des fontaines au domicile des malades, ce qui posait des problèmes assez sérieux si on ne voulait pas qu’elle perde ses propriétés. Nous ne traiterons pas ici ce sujet, le réservant pour un article ultérieur.

En 1717, le czar de Russie Pierre Le Grand vint boire les eaux de la Géronstère et sa guérison contribua grandement à la renommée de la ville d’eaux.

Vue intérieure de la salle de bal

En 1734, un auteur anonyme publia en deux volumes « Les Amusemens de Spa », livre illustré de gravures d’après Remacle Leloup, le plus célèbre dessinateur spadois de ce temps, et ce livre, qui eut un grand succès contribua grandement à établir la renommée de Spa.

Les visiteurs étrangers, que le peuple appelait ironiquement Bobelins, vinrent de plus en plus nombreux pour prendre les eaux, admirer les environs, notamment la cascade de Coo ou le château de Franchimont. Ils trouvaient cependant qu’il leur manquait un local convenable pour se distraire, organiser des bals et jouer notamment au Pharaon, jeu à la mode alors.

En 1763, Jean Philippe de Limbourg médecin theutois, mais qui s’établissait à Spa durant la saison [de mai à Septembre] fit paraître les « Nouveaux Amusemens de Spa » véritable guide touristique avant la lettre, qui donne de très nombreux renseignements sur le bourg, les fontaines, etc mais aussi sur les auberges et hôtels, avec également des chapitres sur l’histoire et le gouvernement de la Principauté et sur la Marquisat de Franchimont. Evidemment, comme Jean Ph. de Limbourg était le médecin attitré des eaux de Spa, sujet sur lequel il avait écrit des livres savants, devenus illisibles aujourd’hui, il consacre de nombreux chapitres à l’analyse des eaux minérales, à des cures de personnages célèbres…

Vue extérieure du Waux-Hall

C’est à cette époque, que répondant au souhait des personnes de distinction, les deux bourgmestres de Spa, l’apothicaire Gérard Deleau et le tourneur Lambert Xhrouet intervinrent auprès du Prince-Evêque pour obtenir pour la communauté l’autorisation de construire une salle d’assemblée pour les bals et les jeux, prétextant que le profit de ceux-ci reviendrait en partie à la communauté.

La construction commença en 1763, mais, comme les frais étaient très élevés, les habitants de Spa, après une consultation populaire déclarèrent ne pas souhaiter que cet établissement soit à la charge de la communauté.

Cage d’escalier en 1944

Aussitôt, Deleau et Xhrouet s’associèrent à J.PH de Limbourg et un marchand de vin liégeois J.N Nizet et offrirent de faire bâtir cette maison d’assemblée à leurs frais, ce qui leur fut accordé, à condition de rembourser à la communauté les dépenses déjà faites. Telle est l’origine de la REDOUTE dont les plans furent établis par l’architecte liégeois Digneffe, et qui était située à l’emplacement du Casino actuel. Ce bâtiment comportait une salle de théâtre et des salons pour les bals et les jeux. La clientèle aristocratique et cosmopolite qui la fréquentait jouait gros jeu, ce qui rapportait des profits énormes.

Quelques années plus tard, en 1770 une autre société composée de plusieurs actionnaires fit bâtir une nouvelle maison d’assemblée et de jeux concurrençant la Redoute, et que l’on appela la WAUX-HALL. Il y eut des procès interminables et coûteux entre les « entrepreneurs » de la Redoute et ceux du Waux-Hall, mais en 1774, Charles François de Velbruck, monté sur le trône épiscopal deux ans plus tôt, y mit fin en associant les plaideurs en une seule société.

Nous avons écrit que cette période constitue l’âge d’or de Spa. En effet, non seulement Joseph II, empereur d’Autriche et Gustave III, roi de Suède vinrent à Spa [1781], mais on y vit aussi toute l’aristocratie européenne, d’innombrables princes, ducs, comtes nobles et bourgeois aisés de toutes nationalités, parmi lesquels énormément de Britanniques, à qui l’on doit d’ailleurs la création de promenades. On trouve leurs noms dans La liste des Seigneurs et Dames venus aux eaux de Spa, publiée depuis 1751 avec le nom de l’hôtel ou l’auberge où ils étaient descendus.

Vue du Waux-Hall (à gauche) alors à l’extérieur de la ville

C’est de cette époque que datent les édifices les plus importants et les plus beaux de Spa. La plupart étaient des hôtels luxueux, construits par des particulier notamment Gérard Deleau et Lambert Xhrouet, mais le Magistrat de Spa fit construire par l’architecte de la Redoute, Digneffe, un nouvel hôtel de ville remplaçant l’ancienne halle. Il fit aussi voûter le Wayai au centre de Spa pour agrandir la place du Marché aménager la Promenade de quatre heures en un parc magnifique, établir des routes nouvelles vers les fontaines ainsi que la Belle Levée, ancien nom de l’avenue Reine Astrid.


L’architecte du Waux-Hall était le Liégeois Renoz [1729-1786] qui a également fait les plans de l’hôtel de ville de Verviers [construit entre 1775-1780] et de plusieurs bâtiments importants de Theux.

Hôtel de ville de Verviers

Les salons, aussi vastes que luxueux étaient décorés de stucs, les cheminées étaient en marbre de Saint-Remy mouluré. Le plafond peint de la grande salle représentait les dieux de l’Olympe. On trouvera une description plus complète dans l’article de Mr I. Dethier conservateur du Musée de Spa, paru dans Histoire et Archéologie Spadoise en Mars 85.

Vue généraleVue détaillée

Plafond peint de la grande salle
représentant les dieux de l'Olympe

Le groupe "Mercure"


Nom des dieux (attributs) : lien de parenté avec Jupiter ; "fonction"
Mercure (casque et caducée ailés) : fils de Jupiter ; messager des dieux
Éole (flûte, amours soufflant) : fils de Neptune ; dieu des vents
Vulcain (marteau, épée, bouclier) : fils de Jupiter et Junon ; dieu forgeron

Le groupe "Jupiter"



Nom des dieux (attributs) : lien de parenté avec Jupiter ; "fonction"
Jupiter (barbe, aigle et foudres) : roi des dieux de l'Olympe, aux amours complexes.
Junon (diadème, sceptre et paon) : sœur et épouse de Jupiter ; protectrice des épouses et des accouchements
Diane (croissant de lune et arc) : jumelle d'Apollon, fille de Jupiter ; vierge, déesse de la chasse
Apollon (lyre) : jumeau de Diane, fils de Jupiter ; dieu de la musique
Vénus (dévêtue) : fille de Jupiter ou de Saturne, épouse de Vulcain ; déesse de l'amour et de la beauté
Cupidon (enfant ailé dans les bras de Venus) : fils de Venus et de Mercure ; dieu de l'amour
Les trois Grâces (trois femmes accompagnant Venus) : filles de Jupiter ; déesses de la beauté

Le groupe "Minerve"



Nom des dieux (attributs) : lien de parenté avec Jupiter ; "fonction"
Saturne (vieillard ; faux et sablier) : père des dieux, dont Jupiter ; dieu du temps
Cérès (corne d'abondance) : sœur de Jupiter ; déesse de l'agriculture
Pomone (rameaux) : déesse des fruits
Minerve (casque et lance) : fille de Jupiter (sans mère) ; déesse vierge et guerrière ; déesse de la sagesse, protectrice des arts
Mars (armure, bouclier, glaive) : fils de Jupiter et Junon ; dieu de la guerre (disparu, visible sur photo de 1944)
Hercule (peau de lion, gourdin) : fils de Jupiter ; héros (disparu, visible sur photo de 1944)
Les trois Parques (écheveau de laine, fil et fuseau) : filles de Jupiter ; divinités du destin (la première file, la seconde dévide, la troisième coupe le fil de la vie) (disparues, visible sur photo de 1944)
Neptune (trident, eau, coquillage, corail) : frère de Jupiter ; dieu de la mer
Allégories de fleuves (urnes d'où l'eau s'écoule)

Les jeux de Spa, où se perdaient des fortunes qui profitaient non seulement aux banquiers, mais aussi au Prince-évêque, qui percevait un tiers des profits, alors que l’église, en principe défend les jeux, ne manquèrent pas de provoquer la parution de pamphlets qui dénonçaient ces pratiques scandaleuses et immorales.

Dans l’un de ceux-ci, dont l’auteur est anonyme et qui est intitulé Tableau de Spa [1782], on trouve une description du Waux-Hall, que nous allons reprendre :

« Le Waux-Hall de Spa est le plus bel édifice que renferme ce village célèbre, le mieux situé pour la salubrité de l’air et pour la vue charmante dont on y jouit. Le salon principal est d’une architecture élégante et noble, moins massif et moins chargé de dorures que cette lourde colonnade dont on a décoré le salon de la Redoute, tant vanté par les badauds. Mais ce qui dégrade le plus ces deux foyers où vont aboutir et se fondre tous les rayons d’or que les imbéciles apportent à l’envi dans la saison des eaux, c’est la mesquinerie avec laquelle ils sont éclairés aux heures de l’Assemblée ou du bal. Les joueurs n’y regardent pas de si près. Le réduit le plus infâme, le tripot le plus obscur sont les lieux qu’ils habitent ordinairement. Les musiciens se rendent au Waux-Hall à 9 heures du matin, raclent éternellement les mêmes airs, surtout les ariettes qui ont la vogue. Là aussi, vont déjeuner tous les coureurs des fontaines et les désœuvrés. On n’y voit la bonne compagnie que vers midi. Alors sont dressées deux tables de Pharaon et un tableau de biribi; les pauvres dupes s’approchent avec un empressement insensé de ce tas d’or étalé par les banquiers-servans, dans l’espoir d’en attraper une parcelle; mais ils y laissent toujours le leur sans être corrigés pour cela. Les élégantes tiennent cour dans le grand salon pendant ce temps-là; les amoureux préparent des entrevues pour le lendemain; ce qu’il y a de remarquable, c’est que vous ne verrez pas une Anglaise en tête à tête ni faire coterie avec un Français, et les femmes françaises, au contraire ne sont ou ne paraissent liées qu’avec les Mylords ou ceux qu’elles croient tels. A une heure, on lève la séance de Pharaon, l’on dresse la table du Crebs qui mène insensiblement jusqu’à 3 ou 4 heures où l’on descend pour aller dîner. Les Femmes ne restent point dès que le Crebs a commencé; elles prennent ce temps pour faire leur seconde ou troisième toilette. »

Les bâtiments du Waux-hall et du Centre culturel (en 2013).

Les bâtiments du Waux-hall et du Centre culturel (en 2013).


Après cette description du Waux-Hall et des jeux, revenons aux constructions de cette époque qui, édifiées à l’époque de la plus grande prospérité de Spa, étaient les plus belles et les plus importantes qu’on y ait bâties.

Nombre d’entre elles ont malheureusement disparu, par exemple l’hôtel de ville, et la salle Levoz, autre salle d’assemblée et de jeux, située sur le chemin de la Sauvenière, La Redoute, endommagée par un incendie en 1817, a fait place au Casino actuel.

Il serait infiniment regrettable, inadmissible et même scandaleux que le Waux-Hall partage le sort de ces bâtiments disparus, car cet édifice admirable, aux proportions harmonieuses, à la décoration remarquable, est un des plus beaux exemples du talent des architectes et artistes liégeois de la fin du XVIIIè siècle.

Léon Marquet.

Site internet consacré au Waux-Hall à Spa : http://www.wauxhall.be


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