Le Pouhon Duc de Wellington (2)

Au début du 20e siècle, le châtelain de Warfaaz, Georges d’Artet de Neufmoustier (1861-1940), découvre à proximité de sa villa (voir Réalités n°335), non loin de la source Marie-Henriette, dans une prairie marécageuse (sise commune de Sart-lez-Spa au lieu-dit « Trou Gonet »), en bordure du ruisseau le Soyeureux, l’émergence d’une source ferrugineuse abondante ainsi que des points de dégagements d’acide carbonique (mofettes).
Il en parle au docteur Achille Poskin (1856-1923), un spécialiste en hydrologie et médecin consultant aux Eaux de Spa, et décide avec celui-ci de capter la source. Pour ce faire, Georges d’Artet achète en octobre 1906, juillet 1907 et novembre 1908, à Eugène Jérôme de Nivezé et Louis Léonard de Micheroux, les terrains concernés, soit plus de 9.500 m2.
Fin de l’année 1908, après de laborieux travaux, la source est captée ; elle reçoit le nom de : « Pouhon Duc de Wellington », pour commémorer le séjour à Spa, en 1818, du vainqueur de Waterloo. Au printemps 1909, Albert Poskin, un des fils du docteur, étudie la mise en exploitation de la source et la faisabilité d’un projet de clinique médicale y attenant.

1908 : Projet de pavillon pour la source « Pouhon Duc de Wellington » (collection X. Coibion)

1908 : Projet de pavillon pour la source « Pouhon Duc de Wellington » (collection X. Coibion)


Le 5 avril 1912, Georges d’Artet concède au « Syndicat des Eaux Minérales de Spa » (Messieurs Leboutte, Otten, Lagarde…), qui vient de perdre le fermage des sources communales au profit de la « Compagnie Fermière des Eaux de Spa » (Spa Monopole), le droit d’exploiter à leurs frais les eaux minérales de la source Wellington et de la source d’eau douce située à côté, dénommée « Fontaine Albert 1er ». La location est consentie pour un terme de 3-6-9 ans et le prix convenu est une redevance de 2 centimes par bouteille vendue (la 1re année, la redevance lui rapportera 1363,27 francs).
Reçu du « Syndicat des Eaux Minérales de Spa » (collection Xavier Coibion)

Reçu du « Syndicat des Eaux Minérales de Spa » (collection Xavier Coibion)


Le Syndicat des Eaux Minérales de Spa met alors sur le marché des eaux minérales sous les noms suivants : « Royale Spa » (marque déposée le 21 octobre 1913), « Duc de Fer » et « La Soyeureuse ». L’usine d’embouteillage se trouve boulevard des Anglais à Spa, l’eau y est amenée dans des tonneaux.
En 1914, la Compagnie Fermière et la Ville de Spa intentent un procès au Syndicat pour lui faire interdire l’utilisation du nom de Spa sur les étiquettes de ses bouteilles. Cette requête n’aboutira pas. Le Tribunal de Verviers et la Cour d’Appel de Liège estimeront que le nom d’une Ville appartient au domaine public.

En mai 1919, Edouard Libotte-Thiriar, un industriel liégeois, importateur jusqu’en 1914 de l’eau allemande dénommée « Kaiserbrunnen », propose une association au « Syndicat des Eaux Minérales de Spa » afin de perfectionner et de développer l’exploitation de la source Wellington. Pour cela, le 23 août 1919, il achète à Georges d’Artet la dite source ainsi que le terrain sur lequel elle se trouve pour la somme de 76.500 francs. Le propriétaire du château Warfaaz réalise ainsi une plus-value de +/- 37.000 francs sur le montant qu’il a investi dans cette aventure depuis 1906 ; plus-value qu’il partage à part égale avec le docteur Poskin.
Le 12 avril 1920, devant L. Gomez, notaire à Liège, 27 personnes (dont Messieurs Libotte, d’Artet, Leboutte, Otten, Lagarde…) constituent une société anonyme dénommée « La Royale Spa », dont l’objet est l’exploitation des sources minérales naturelles et autres, ainsi que la vente des produits de cette exploitation. Son siège social est établi à Spa et son capital social est de 500.000 francs.

En tête d’une lettre de la société « Royale Spa » (collection Xavier Coibion)

En tête d’une lettre de la société « Royale Spa » (collection Xavier Coibion)


L’usine d’embouteillage restera dans un premier temps boulevard des Anglais à Spa, avant que de nouvelles installations soient construites près de la source, en 1921. Durant l’année 1923, plus de 8 millions de bouteilles sont vendues en Belgique et à l’étranger. La bouteille de 1 litre d’eau de table « Royale Spa » est vendue 0,80 franc plus une caution de 0,50 franc qui est remboursée lors de la restitution de la vidange. En juin 1924, « Spa Monopole », en plein essor, absorbe « La Royale Spa ».

En 1930, le débit quotidien de la source Marie-Henriette, soit 375 m³, ne suffit plus aux besoins des Bains de Spa, les 65 m3 journalier de la source Wellington lui sont adjoints. Quelques années plus tard, c’est au tour du trop-plein de la source du Tonnelet de rejoindre la canalisation alimentant l’établissement thermal ; l’eau de ces 3 captages a les mêmes qualités, elle provient de la même nappe aquifère. En 1934, Spa Monopole, en échange d’une prolongation de sa concession, cède à la Ville de Spa la source « Pouhon Duc de Wellington ».

Source Wellington et l’usine de « La Royale Spa » en 1921 ( collection Marc Hans)

Source Wellington et l’usine de « La Royale Spa » en 1921 ( collection Marc Hans)


Depuis 1971, la source Wellington n’est plus accessible au public. Les anciens bâtiments de la Royale Spa sont démolis l’année suivante et le petit pavillon octogonal est étêté en 1975. Il est maintenant à souhaiter que le propriétaire des lieux fasse le nécessaire pour restaurer le pavillon et que le petit parc environnant, qui jadis attirait bon nombre de promeneurs, retrouve son charme d’antan.

Jean Lecampinaire

Sources :

Archives du château Warfaaz appartenant à X. Coibion
Histoire du commerce des Eaux de Spa – Liège – 1944 – G. Dugardin
Sources minérales et fontaines de Spa – Spa – 1991 – Comité culturel de Spa
La fabuleuse histoire des Eaux de Spa – Spa – 1989 – L.M. Crismer


Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *