Le Pouhon de Warfaaz-lez-Spa

Dans son étude réalisée au début du 20e siècle, intitulée « Histoire du ban et de la commune de Sart », F. A. Michöel écrit:

« A deux cents mètres du lac de Warfaaz se trouvent trois sources d’eau minérale renommées. La source Marie-Henriette qui a un débit de 300 m3 en 24 heures et dont les eaux alimentent l’établissement des Bains de Spa. Dans une propriété voisine de cette source, il s’en trouve une autre, très abondante, dite source de Warfaaz, donnant une eau excellente. Une troisième source, bien captée, nommée Pouhon du Duc de Wellington, donne une eau délicieuse et livrée au commerce sous le nom de : Eau Royale de Spa. Dans les environs de ces trois Pouhons, sourdent plusieurs autres sources d’eau minérale, dont tout le bassin du Weay est imprégné. »

La propriété voisine, dont parle F. A. Michöel, est la propriété d’Artet-Godin (voir Réalités n°335). Comme l’indique l’étiquette ci-dessus, Georges d’Artet de Neufmoustier a fait analyser l’eau de la source de Warfaaz par Messieurs Malvoz et Pirnay ; plusieurs lettres de 1902 retrouvées dans les archives de la propriété le confirment et décrivent une eau très pure.

Une autre lettre, datée de 1904, nous apprend que Monsieur d’Artet a sollicité l’Administration des Chemins de Fer de l’Etat pour que l’Eau de table du Pouhon de Warfaaz-lez-Spa soit débitée dans les buffets des stations. Un autre document de la même année, nous informe que ce fut le cas au buffet de la gare de Verviers.

Etiquette sur laquelle on reconnaît le château de Georges d’Artet  (collection X. Coibion)

Etiquette sur laquelle on reconnaît le château de Georges d’Artet
(collection X. Coibion)


In situ, le propriétaire actuel, Monsieur Coibion, a retrouvé d’autres preuves de la mise en bouteilles de l’eau du Pouhon de Warfaaz-lez-Spa (en réalité une ancienne émergence de la source Marie-Henriette, appelée « Fontaine de Nivezé » puis, par après, source du Bricolet) : de très nombreux tessons et des étiquettes pour bouteilles. Combien de temps a duré le commerce de cette eau ? Aucun document ne le précise !

Au début des années vingt, Georges d’Artet est en pourparlers pour remettre à une société la source du Bricolet. Cette société est la « Royale Spa » qui commercialise à l’époque les eaux de la source Wellington. De nombreuses lettres présentes dans les archives précitées, datées de fin 1922 début 1923, témoignent de ces négociations qui n’aboutiront pas, car au même moment, une société concurrente, « Spa Monopole », acquiert la majorité des actions de la « Royale Spa » et l’absorbe définitivement en juin 1924.

Néanmoins, craignant pour la pérennité de la source Marie-Henriette dans le cas d’une exploitation intensive de la source du Bricolet, la Ville de Spa presse le Gouvernement belge de voter une nouvelle loi concernant la protection des eaux minérales et thermales. Votée le 1er août 1924, cette loi généralise le périmètre de protection à toutes les sources qui seront reconnues, médicalement, d’utilité publique. L’année suivante, la Ville de Spa obtient pour la source Marie-Henriette un périmètre de protection.

En 1927, Georges d’Artet écrit au baron Henri Delvaux de Fenffe, le Président de la Commission Technique des Eaux Minérales de Spa, et lui propose d’entrer en négociation pour discuter de l’aliénation des sources se trouvant sur sa propriété. Voici un extrait de cette lettre :
« Etant propriétaire de l’ancienne source Bricolet et de terrains de cette nature à côté et en amont des sources Marie-Henriette et Wellington, terrains qui d’après leur situation et l’affirmation de feu le docteur Poskin et de l’ingénieur (sourcier) Beaulieu de Tournai qui en a fait à plusieurs reprises l’étude, posséderaient la clef des eaux minérales alimentant tout ce bassin, je suis tout disposé à entrer en négociation avec la Commission des Eaux de Spa pour en débattre éventuellement la question de leur aliénation. »
Cette démarche n’aboutira pas.

En 1977, la petite-fille de Georges d’Artet vend la propriété à Monsieur Coibion. Peu de temps après, la Société « Exirus » (Société du Groupe Spadel) demande au notaire qui a réalisé la vente de prendre contact avec le nouveau propriétaire afin de lui proposer le rachat de certains terrains dans le but d’assurer la protection des sources Marie-Henriette et Wellington.

1750 : La Fontaine du Nivezé ou source du Bricolet Antoine Le Loup, lavis à l’encre de Chine (collection Musées de la Ville d’Eaux – Spa)

1750 : La Fontaine du Nivezé ou source du Bricolet
Antoine Le Loup, lavis à l’encre de Chine (collection Musées de la Ville d’Eaux – Spa)


Actuellement, la « Fontaine de Nivezé », dite source du Bricolet, déjà connue au 16e siècle et qui avait acquis durant le 18e siècle une certaine réputation, appartient toujours au propriétaire du château Warfaaz.

Jean Lecampinaire

Sources :

Archives du château Warfaaz appartenant à M. Coibion
Histoire du ban et de la commune de Sart – N.E. – 1920 – F. Michöel
La fabuleuse histoire des Eaux de Spa – Spa – 1989 – L.M. Crismer
Topographie Médicale du Royaume – Liège – 1909 – A. Poskin
Histoire du commerce des Eaux de Spa – Liège – 1944 – G. Dugardin


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