Le loup dans les traditions wallonnes

Au siècle dernier, la forêt ardennaise était dense et immense et dans les villages, on gardait encore la mémoire des derniers loups que pendant des siècles, on avait redoutés. C’est ce que rappelle Marc Lamboray dans l’ouvrage intitulé « Le loup dans les traditions wallonnes » qui vient de paraître aux éditions de la librairie La Dérive à Verviers. Il y a suivi la piste du loup tel qu’il apparaît dans la mémoire collective des Wallons.

L’ancienne cohabitation avec le fauve a donné lieu à des dictons et proverbes comme « un froid de loup », « une faim de loup », etc… et son nom survit dans des noms de lieux, localités comme Louveigné, La Louvière ou de lieux-dits trou du loup, fosse du loup, fontaine du loup, etc ainsi que dans l’anthroponymie.

Un mythe tenace est celui du loup-garou( homme-loup), être malfaisant, prisonnier du diable avec lequel il a conclu un pacte ou victime de son sortilège.

Des contes populaires racontent, par exemple, l’aventure d’un ménétrier qui en raclant son violon, met en fuite les loups qui le pourchassent ou encore celle de la chèvre qui fit prisonnier le fauve en entrant dans l’église où elle ferma la porte en s’enfuyant, ce qui donna lieu à un dicton  » a Froilieu ou la chèvre a pris le loup  » (pays de Neufchâteau).

On connaît la légende du loup de saint Remacle obligé de remplacer l’âne qui amenait des pierres pour bâtir l’église de Stavelot. Le géographe Ortélius écrit qu’on montrait autrefois dans un temple la peau de ce loup.

Des légendes parlent du berger des loups et des contes mettent en scène le loup et le renard ou alors le loup et les petits cochons, le loup et les biquets. Le conte le plus connu est celui du petit chaperon rouge.

Pour se préserver du loup, on récitait l’oraison du loup dont voici une version notée à Creppe, près de Spa :

« Loup je te conjure de la part du grand Dieu Vivant, tu n’auras pas de pouvoir sur moi ni sur mes bêtes par plus que le grand diable n’en a sur le prêtre à l’autel quand il célèbre la sainte messe. Que le bon saint Georges te ferme la gorge, que le bon saint Jean te casse les dents ».

Pour se préserver des loups enragés, il fallait réciter l’oraison suivante :

« Bienheureux St Hubert
Contre trois choses me défend
Du loup et du serpent
Du mauvais chien enragé
Qu’il ne puisse approcher
Plus que les étoiles du ciel. »

Au sanctuaire ardennais, le prêtre détachait de la précieuse étole du saint un fil introduit dans le front du patient, ce qu’on appelait « la taille ».

Les loups du Parc à Gibiers de La Reid (Forestia)

Les loups du Parc à Gibiers de La Reid (Forestia)

L’haleine du carnassier passait pour être à l’origine d’une maladie du bétail appelée la bovine, pour la guérison de laquelle on avait recours à des conjurations. Dans le livre de magie  » Les secrets du grand et du petit Albert « , on lit notamment que la queue du loup suspendue dans une étable préserve celle-ci des attaques du fauve.

Une dent de loup mise au cou d’un nouveau né porte bonheur et fait fuir les sorcières. Le foie du loup séché au four servait de remède pour la colique.

Quand un loup était abattu, on promenait sa dépouille après l’avoir empaillé afin de récolter de l’argent et des dons. C’est ce qu’on appelait « hêyî â leûp ». Une paskèye de Vaux Chavanne ou de Malempré décrit la tournée faite avec la dépouille d’un loup abattu. Notons que les tripes ont été salées pour faire des liens de veau et que le foie a été salé pour servir de remède.

Le dernier chapitre de l’intéressant livre de M. Lamboray se rapporte à la louveterie, aux pièges à loup et aux témoignages sur les derniers loups tirés en Ardenne ou en Entre-Sambre et Meuse. Il semble que l’un des derniers loups ait été tué dans le pays de Chimay en 1861. Dans la région de Saint-Hubert, le roi Léopold 1er tua une louve en février 1844. Un garde du domaine de Freyir improvisa un petit couplet en l’honneur du roi.

Léon Marquet


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