L’abri du Kaiser

Dès fin janvier 1918, des préparatifs importants sont entamés à Spa en vue de l’installation du Grand Quartier Général allemand qui était alors situé à Kreuznach non loin de Coblence. Les stratèges germains avaient en effet jeté leur dévolu sur la ville d’eaux pour se rapprocher du front de l’ouest.

1922 : Le Neubois (carte postale)

1922 : Le Neubois (carte postale)

A cette époque, Spa jouissait d’une réputation internationale pour ses cures et la ville disposait d’une infrastructure hôtelière capable d’héberger un grand nombre de personnes. De plus, elle était située près de la frontière ; les cantons de l’Est faisaient, à cette époque, partie intégrante de l’Empire germanique.
A Nivezé, les châteaux appartenant à la famille Peltzer, richissime famille d’industriels verviétois, sont réservés au Kaiser et à sa suite. Au château du Neubois, où il séjourna le plus longtemps, un refuge souterrain destiné à le protéger de toute attaque aérienne fut construit. En voici une description très détaillée publiée dans la revue « Notre Pays » du 4 juillet 1920.

Couloir d'accès à l'abri via le sous-sol du château

Couloir d’accès à l’abri via le sous-sol du château

« Le château du Neubois est bâti sur une forte élévation de terrain, les abords du côté nord présentant d’autre part un talus assez vaste ; il fut donc facile de partir du sous-sol du château pour construire l’abri bétonné à une grande profondeur. Les Allemands ont, pour cela, percé le mur du sous-sol par une baie de 1,25 m, où s’amorce un couloir en descente présentant un palier relié par deux séries de cinq marches. Ce couloir, parfaitement construit, conduit à un abri destiné à mettre en sûreté la peau du monstre germain. La salle bétonnée est rectangulaire ; elle mesure 5 mètres de long sur 2,5 mètres de large. Une porte en acier massif, toute garnie de gros boulons avec écrous, et portant un verrou de 5 à 6 cm de diamètre, donne accès au réduit. Elle pèse 1.000 kilos et fut construite dans les ateliers Krupp.

Le chambranle est en poutrelles de fer et béton. Les énormes charnières sont profondément encastrées dans le béton, afin d’assurer un fonctionnement impeccable dans la manœuvre de la porte. La salle n’a rien de bien intéressant ; le plafond est recouvert de boiseries en pitchpin ; sur les murs, des encadrements de bois étaient destinés à recevoir des tapisseries. Au fond, une ouverture aussi grande que la première donne accès au couloir de sortie vers la pelouse de la propriété. Ce corridor se compose de paliers successifs, reliés par trois volées d’escaliers. Ce couloir, aux murs rectilignes, plafonné de béton, blanc comme neige, a une longueur de 12 à 15 mètres.

Couloir de sortie vers les jardins de la propriété

Couloir de sortie vers les jardins de la propriété


Après un coude brusque, s’amorçant à un palier plus grand, il conduit à une seconde porte en fer massif, verrouillée, et aussi solide que la première. On débouche alors à la lumière du jour, car toute cette construction nouvelle est plongée dans une obscurité profonde. Un escalier ordinaire dévale vers la pelouse, au milieu d’un petit massif de sapins, disposés en rosace, afin de dérober aux aviateurs la sortie du souterrain. Les murailles de ces souterrains ont 1 mètre d’épaisseur de béton, quant à la salle-abri du Kaiser, elle est surmontée de 2 mètres de béton et de 4 mètres de terre ».

Abri du maréchal von Hindenburg à la Villa Sous-Bois (carte postale)

Abri du maréchal von Hindenburg à la Villa Sous-Bois (carte postale)


Cet abri a été, dans l’Entre-deux-Guerres, visité comme attraction touristique. Le feld-maréchal von Hindenburg et le premier quartier-maître Ludendorff, installés respectivement aux villas « Sous-Bois » et « Hill Cottage », bénéficiaient également d’abris souterrains. Un abri existe aussi à l’ancien Hôtel Britannique, occupé par le Grand Quartier Général allemand de mars à novembre 1918.

Jean Lecampinaire

Sources :
Spa pendant la Guerre 1914-1918 – J.Macquet – 1919
Revue « Notre Pays » du 4 juillet 1920 (Fonds Body)


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