La démolition des Arcades

La démolition des Arcades : un drame pour les habitants et pour toute la ville

Les habitants des Arcades et de nombreux Spadois sont en état de choc. Le Bourgmestre de Spa a pris un arrêté imposant la démolition du bâtiment avant le 30 janvier 2000. Pour les propriétaires et les commerçants, il s’agit d’une catastrophe. La démolition sera à leur charge, ils perdront leur logement et leur magasin et devront louer un nouvel emplacement. Il s’agit d’un véritable drame économique et humain. Jean-Marc Monville a rencontré deux propriétaires. Nous leur donnerons d’abord la parole. Je vous proposerai ensuite quelques éléments d’informations du dossier. M. Cerfontaine nous a fait parvenir un article situant le problème dans son contexte historique récent et enfin je ferai part de quelques réflexions sur le problème. En effet, après la démolition des Heures Claires, l’abandon du Waux-Hall, la démolition prochaine de l’Hôtel Annette et Lubin et peut-être du Palace, le projet de démolition du Pommier à Pommes, c’est maintenant  » Les Arcades  » que l’on s’empresse de démolir. Nous pouvons légitimement penser que notre patrimoine architectural est en péril. Certains responsables et promoteurs locaux ne partagent pas ce point de vue et souhaiteraient  » raser  » l’ensemble du quartier pour y développer un nouveau complexe. Nous pensons qu’il faut au contraire tout faire pour sauver ce monument et les maisons anciennes de Spa.

Pol Jehin

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Les habitants des Arcades sont atterrés !

Nous avons rencontré deux commerçants qui n’ont pas encore déménagé, voici leurs témoignages:  » J’ai 72 ans. Depuis l’âge de 11 ans, j’ai passé ma vie à travailler. En 56, je suis venu de Grèce pour travailler dans la mine en Belgique, c’était un travail très dur. Ensuite, j’ai travaillé pendant plusieurs années comme cordonnier notamment dans des grands magasins. Depuis 1968, j’exploite une cordonnerie ici, aux Arcades. En 1985, j’ai acheté la partie comprenant mon commerce. Dès 86, la Ville m’a fait payer des taxes parce que ma façade n’était pas entretenue. Comme mon épouse était malade, je n’ai pas pu faire les travaux tout de suite et j’ai donc continué à payer la taxe. Et maintenant qu’enfin, j’ai restauré mon bâtiment, on vient me mettre à la porte de chez moi. Que me restera-t-il ? A 72 ans, ma maison représente tout ce que je possède. J’ai tout investi dans ma maison. Je n’en dors plus….  »

 » Nous avons acheté ce bâtiment en 1975 pour y installer notre magasin. Il était question de rénover la façade avec deux autres propriétaires, nous avions été convoqués par le bourgmestre et l’échevin des travaux qui nous avaient dit que la Ville nous donnerait des subsides. On nous avait promis une suite rapide à ce dossier mais elle n’est jamais venue. Ne voyant toujours rien venir, nous avons alors investi dans la rénovation du toit et d’une partie du bâtiment. Nous avons demandé à un ingénieur de vérifier l’état du bâtiment et il nous a dit qu’il n’y avait pas de problème majeur. Nous pensons que les vibrations dues aux camions et aux chars ont largement contribué à la détérioration de notre maison. Il était d’ailleurs question de mesurer les vibrations dans le cadre de la récente étude de stabilité, mais apparemment, on ne veut plus faire ces mesures.

Ce qui nous choque, c’est la froideur du courrier que nous recevons de la Ville. D’abord, nous avons reçu ce courrier:  » Il ne fait aucun doute que l’immeuble menace ruine et qu’il peut s’écrouler d’un moment à l’autre. Il doit être sécurisé dans les plus brefs délais ou être démoli « . Ensuite, nous avons été convoqués à une réunion où le bourgmestre a bien insisté : « il s’agit là de biens privés, tout est à vos frais « . Dans le dernier courrier que nous avons reçu, ils nous menacent presque:  » ou vous abattez la maison pour le mois de janvier ou c’est la ville qui s’occupera de le faire et ce, à vos frais  » . Nous avons toujours eu de très bonnes relations avec les autorités de la Ville, nous ne comprenons pas .

Spa-Monopole rapporte chaque année pas mal d’argent à la Ville mais en ce qui concerne les inconvénients comme le charroi, ce sont les petites gens comme nous qui payons les pots cassés. C’est la Ville qui profite au détriment du patrimoine et des particuliers. C’est injuste !

Nous sommes persuadés que l’on peut encore sauver notre bâtiment, nous ne comprenons pas cette obstination à vouloir le démolir. Evidemment, certains pourraient largement tirer profit de cette situation :  » c’est nous qui payons la démolition, on nous rachète ensuite le terrain à bas prix et un promoteur y construit un nouveau bâtiment . Nous attendons beaucoup de la réunion du 3 décembre (voir information ci-dessous). Même si le classement du bâtiment peut représenter des frais pour nous, cela permettrait au moins de garder nos Arcades « .

Pour ma part, Je ne vous cacherai pas mon émotion devant ce désarroi et je ne peux souhaiter qu’une seule chose :  » que les Arcades soient reprises sur la liste des bâtiments à classer, elles seront ainsi sauvées ». Avec les moyens que possède aujourd’hui le génie de construction, cela m’étonnerait fort que l’on ne puisse pas stabiliser le bâtiment.

Jean-Marc Monville

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De l’étude à l’arrêté d’expulsion…

Suite à l’écroulement de la maison de la rue Entre-les-Ponts, le pouvoir communal a décidé de procéder à une étude de stabilité des bâtiments de cette rue, de la rue Rogier et de la rue de la Sauvenière, ainsi qu’à l’évaluation de l’état des voûtes du Wayai. Un groupe d’experts composé de M. Decamp, Noirhomme, Rigo et Trine a été désigné par le Collège échevinal. Ils ont remis les conclusions de leur étude fin octobre à la ville de Spa.

Sans entrer dans les détails techniques, précisons que ces experts constatent que les huit premières colonnes supportant la façade présentent des déplacements (maximum de 17cm pour la première) par rapport à la verticalité. Ces mouvements avaient déjà été constatés en 1953, ils étaient moins importants à ce moment et ont évolué. Les colonnes 5 à 11 ne présentent actuellement pas de danger. Les piliers (dans le corps du bâtiment) qui font face aux colonnes ont également bougé en tête vers l’extérieur, alors que leurs fondations présentent un mouvement de basculement vers l’intérieur du bâtiment. Ces piliers ont ainsi une déformation en S. Ces déformations entraînent également une série de problèmes sur les autres parties du bâtiment. Selon ces techniciens, les mouvements des colonnes et des piliers sur les cinq premières arcades sont dus : – à la présence des voûtes du Wayai juste sous les trottoirs et sous les fondations de certains des éléments – à un affaiblissement des caractéristiques du sol sous-fondations, très certainement dû à une érosion du sol par les pluies et l’effet du temps – au fait que les fondations sont très probablement en contact partiel avec le sommet des voûtes, ce qui provoque des contacts avec des points durs sur un côté seulement des bases d’appui des colonnes et piliers – les vibrations dues aux poids lourds et chars constituent une circonstance aggravante.

La conclusion des experts est la suivante :  » il ne fait aucun doute que l’immeuble menace ruine et qu’il peut s’écrouler d’un moment à l’autre. Il doit être sécurisé dans les plus brefs délais ou être démoli. « 

La ville de Spa a fait parvenir une copie du rapport des experts aux propriétaires et locataires des Arcades en les invitant à une réunion le 12 novembre afin de recueillir leurs remarques sur les mesures que la ville comptait prendre à savoir :  » le rapport d’expertise soulignant le caractère peu réaliste d’une réparation de l’immeuble à un coût acceptable, ne laisse pas d’alternative à la ville qui envisage l’adoption des mesures suivantes : l’interdiction d’accès au bâtiment, l’interdiction de circulation à ses abords, la prise d’un arrêté de police ordonnant la démolition de l’immeuble « .

A la suite de cette réunion, le conseil communal fut informé et consulté sur ces mesures. Unanimement, les conseillers proposèrent de procéder à l’évacuation immédiate des locaux pour assurer la sécurité des habitants et des passants. Par contre, plusieurs conseillers se sont étonnés de la volonté de faire démolir rapidement les bâtiments. Ils souhaitaient que la ville prenne le temps d’étudier des alternatives pour  » sécuriser  » les Arcades et de se renseigner sur les possibilités de subventions des travaux.

A la suite de ce conseil communal, le bourgmestre a pris un arrêté (le 22 novembre) ordonnant l’évacuation et la démolition de l’immeuble.

– A partir du 25 novembre 1999, l’immeuble les Arcades sera interdit au public. – Pour le 31 janvier 2000 au plus tard, l’immeuble sera démoli par les soins des propriétaires. – Si, à l’expiration du délai fixé, la démolition n’a pas été effectuée, elle le sera par les soins de la Ville, aux frais, risques et périls des propriétaires concernés.

Un problème ancien :

Le problème des Arcades n’est pas neuf, puisque les experts font état d’analyses effectuées en 1953. M. Cerfontaine nous a fait parvenir un article datant de 1992 publié par J.E. dans la Libre Belgique.

Un chantier à Spa pour stopper les camions ?
J.E. La Libre Belgique 18 juin 1992

Le charroi de Spa-Monopole serait ainsi détourné du centre-ville, tandis qu’une ancienne alternative de contournement rebondit.

 » Le problème du charroi de Spa Monopole, qui traverse la ville de Spa, pourrait rebondir dans les prochains jours. Le PRL local (qui détient la majorité absolue au conseil communal) vient, en effet, de tenir une longue réunion. Le capotage des négociations avec Theux était à l’ordre du jour. C’est-à-dire le constat de l’impossibilité de réaliser, dans l’immédiat, une route de délestage pour les camions rejoignant l’autoroute à Polleur, via le Staneux.

En territoire spadois

Selon nos informations, les libéraux auraient décidé de ne pas reprendre la négociation avec les Theutois. Par ailleurs, ils ont examiné les alternatives d’évitement du centre de Spa par les poids lourds. Un ancien projet de contournement a été ressorti. Il démarre à Marteau, emprunte partiellement la promenade Reikem, longe le golf, puis rejoint la route nationale à Balmoral. Cet itinéraire présente l’avantage de se dérouler sur le seul territoire spadois et n’implique donc aucun accord avec une commune voisine. En son temps, ce trajet avait été abandonné, parce que trop proche de la nouvelle aire et du nouvel établissement thermals projetés sur la colline d’Annette et Lubin.

Effondrement

Si ce projet aboutissait, il ne supprimerait évidemment pas immédiatement les nuisances provoquées par les camions au centre de Spa. A cet égard, une autre éventualité a été évoquée par certains membres du comité PRL. La ville serait en possession d’une expertise stigmatisant le danger d’effondrement des bâtiments des  » arcades « . Situés en bordure de l’itinéraire actuel de transit du charroi de Spa-Monopole, ces bâtiments devraient être réfectionnés au plus tôt. L’ouverture d’un chantier à cet endroit empêcherait pratiquement le passage des poids lourds. Et … les détournerait naturellement vers Theux ! Une prochaine réunion du conseil communal de Spa devrait aborder à nouveau l’ensemble de la problématique.  »

M. Cerfontaine nous propose le commentaire suivant : Par mass-media interposés, toute la Belgique connaît maintenant le sort définitif des  » Arcades  » spadoises. Mais combien se souviennent encore des premiers signes prémonitoires de ce risque d’effondrement déjà signalé en 1992 par la presse régionale ? A chacun d’apprécier la façon dont ce problème a été géré.

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Un espoir : l’intervention de la commission des monuments et sites

Nous avons appris que la Commission des Monuments et Sites est descendue sur les lieux. Elle souhaite que tout soit fait pour que le bâtiment soit sauvegardé. Dans ce sens, elle introduira une demande de classement d’urgence du bâtiment en l’inscrivant sur la liste de sauvegarde. Cette procédure garantit la protection du bâtiment pendant un an. Le classement permet aux particuliers de bénéficier d’une subvention de 60% pour les frais de consolidation ou de démontage du bâtiment. Si la consolidation n’est pas possible, la commission imposera probablement un démontage de l’immeuble pour qu’il soit reconstruit à l’identique.

La commission déléguera un architecte spécialisé pour examiner le bâtiment. Une réunion avec le collège échevinal de Spa est prévue le vendredi 3 décembre. Notons encore que les propriétaires ont un délai de 60 jours pour introduire au Conseil d’Etat un recours visant à suspendre ou annuler l’arrêté du Bourgmestre. Nous devrions donc en savoir plus sur l’avenir des Arcades après cette rencontre et nous ne manquerons pas de vous tenir au courant.

Pol Jehin


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