Barisart

En 1438 déjà, il est question dans les archives de la Cour de Justice de Spa de la voie de « barisair » (1). En ce qui concerne le pouhon situé en cet endroit, bien que Gilbert Limborh cite en premier lieu « la fontaine de Barisare » celle-ci ne fut que peu fréquentée pendant très longtemps. Un texte d’archive de 1572 cite « le paisseau (W. pazê = sentier) qui vat au pouhon de barissart » (2).

Barisart : Les amusemens de Spa 1734.

Fig. 1: Barisart : Les amusemens de Spa 1734.


En 1735, on peut lire dans les Amusemens des eaux de Spa que bien que « pas fort éloignée du bourg » la fontaine de Barisart est « solitaire et négligée et on ne la fréquente plus » (3). Il faut pourtant que cette fontaine (suppose l’auteur) qui est double et dont les bassins sont en forme de tonneau, ait eu autrefois quelque vogue, car  » on y voit des restes de commencements d’ornements « . Ce Bobelin, qui, sans doute à cause du nom de cette fontaine, croit que ces eaux sont situées sur le territoire de Sart, écrit que le nom de Barisart a dû « leur être donné de la figure de leurs bassins qui sont faits en forme de tonne ou de baril comme qui dirait Baril-du Sart, et par abréviation Barisart » (4).

Sur la gravure ornant les Amusemens des eaux de Spa, on peut voir des seigneurs et dames assis sur l’herbe devant les deux bassins circulaires dont parle l’auteur de cet ouvrage. Ces bassins sont situés au milieu d’un espace délimité sur deux côtés par un mur. A l’arrière-plan, on aperçoit la ferme du Hoctaisart et à gauche, un petit pont enjambant le ruisseau, auprès duquel on remarque deux moines (fig. 1).

Cette fontaine est en effet, toujours d’après les Amusemens des eaux de Spa, la promenade ordinaire des R.P. Capucins de Spa qui vont y étudier leurs sermons.

Un siècle plus tard, en 1837, Lambert Lezaack (5) écrit que Barisart est complètement abandonné.

En mai 1848, quand le docteur anglais Thomas Cutler vint à Spa, il constata que « le Barisart recevait à la fois les eaux d’une source vive et celles d’un sale ruisseau ». Il est vrai qu’à cette époque, la ville d’eaux « autrefois grande et célèbre » lui avait paru « déchue et abaissée » : le Pouhon, orgueil de Spa, était, écrit-il « profané par des matières végétales en décomposition délayées par l’infiltration d’eau des égouts et de deux sources ordinaires » et « dans les jardins jadis princiers de la Géronstère, ce n’était plus qu’un fouillis de plantes parasites » (6).

Barisart : le pavillon et la grotte.

Fig. 2: Barisart : le pavillon et la grotte.


Cependant, lors de la parution de son livre, en 1853, il écrivait que le Barisart avait été embelli par des plantations et de jolis sentiers. Malheureusement, ajoute-t-il, une grotte écrasée et un pavillon d’une utilité douteuse ont la prétention de compléter l’ornementation (fig. 2). De plus, si les chemins conduisant aux sources sont bien entretenus, celui menant vers Barisart fait exception.

Trois ans après la parution de son premier livre, Thomas Cutler publia sur Spa un second ouvrage « Spa et ses Eaux » dans lequel on trouve une intéressante notice sur la fontaine de Barisart située, écrit-il, dans une agréable vallée, au bord de la nouvelle route ouverte du Vieux-Spa à la Géronstère. Si notre Bobelin anglais s’intéresse tellement à cette source, c’est que c’est grâce à elle qu’il avait rétabli sa santé quelques années plus tôt. Il nous explique en effet qu’il souffrait de dyspepsie chronique, accompagnée de troubles de la vision. Lors de son premier séjour à Spa, en 1848, une de ses promenades favorites était le bois de la Géronstère et, comme la source de Barisart, dont l’eau est agréable à boire, se trouvait sur son chemin, il avait pris l’habitude d’en boire un ou deux verres en passant par là. Après une dizaine de jours, il constata une amélioration de son état, et visita alors la source deux fois par jour. Après cinq semaines, il eut la satisfaction de se trouver guéri et à la suite de cette expérience personnelle, il eut l’occasion de prescrire l’eau de Barisart comme moyen efficace pour combattre divers dérangements des organes digestifs (7).

Jusqu’alors, écrit-il, la fontaine n’était guère connue que des paysans des villages voisins comme un source possédant des qualités vermifuges. Mais, grâce sans doute à la publicité que leur fit notre médecin anglais « en peu de temps, ces eaux acquirent une grande renommée au point d’obliger l’administration communale de Spa de prendre toutes les mesures de précaution nécessaires pour les garantir de tout rapport avec les eaux croupissantes d’alentour ». La source, écrit-il en 1856, « est aujourd’hui renfermée dans un cylindre en fonte et abritée par une grotte pittoresque construite avec des pierres erratiques qui se trouvent en grand nombre dans le voisinage. La grotte est surmontée par un pavillon, et les abords de la source, grâce aux plantations qu’on y a faites avec goût, prennent d’année en année un aspect plus riant (fig. 2). L’administration communale a l’intention de faire faire une belle construction en forme de chalet à quelques pas de la source pour l’agrément et l’accommodation de ses nombreux visiteurs ».

Barisart : le pavillon de 1859.

Fig. 3: Barisart : le pavillon de 1859.


Un autre médecin, le Spadois Jules Lezaack (8), auteur d’un ouvrage publié en 1871, intitulé « Les Eaux de Spa, leurs vertus et leurs usages » nous apprend tout d’abord que la construction de la grotte, construite avec des blocs erratiques, ainsi que le pavillon qui la surmonte sont « dûs à la générosité de deux de nos administrateurs qui y avaient consacré leur traitement ». De plus, on peur lire que, depuis 1859, Barisart a été doté d’un joli pavillon comprenant un salon et une demeure pour le gardien. Des promenades avec pelouses, pièces d’eau, ont été créées à l’alentour. Ce pavillon servait de café-restaurant. On y avait adjoint des écuries et des remises (fig. 3).

Comme l’écrit le Dr Victor Scheuer dans son « Traité des eaux de Spa », « les grandes pelouses soigneusement peignées, les sentiers ombreux tracés dans les bosquets, la mignonne pièce d’eau où se reflète le rideau de la forêt donnent au Barisart un cachet spécial et distinct de celui des autres fontaines ».

Ce pavillon entouré d’une terrasse subsista jusqu’en 1972, date à laquelle fut construit, d’après les plans de l’architecte spadois Marcel Geenen, un bâtiment aux lignes sobres, en moellons de Waimes et en bois, couvert d’un toit double en pente abritant une vaste salle de restaurant bien éclairée par de grandes vitres et, en contrebas, la source minérale (fig. 4).

Celle-ci était abritée par un petit pavillon et l’on descendait 3 ou 4 marches pour accéder à la source.

La source de Barisart: 1990.

Fig. 4 : La source de Barisart: 1990.


A l’angle de ce bâtiment se trouvait un petit étang rectangulaire vaseux et envahi par les plantes aquatiques avec, sur un côté ce qui subsistait de la grotte érigée au siècle dernier et qui, d’ailleurs, n’était plus accessible. Une autre pièce d’eau, remplie de feuilles mortes se trouve plus haut vers la Géronstère. Ces deux pièces d’eau étaient alimentées par le ruisseau qui descend de la Géronstère.

Notons que la société Spa-Monopole met sur le marché sous le nom de « Barisart, eau minérale naturelle avec adjonction de gaz carbonique » une eau captée à quelques centaines de mètres du site de Barisart qui, bien que très agréable à boire, n’a rien à voir avec le véritable pouhon déjà connu en 1559.

La source de Barisart était autrefois la dernière étape du « Tour des Fontaines ». Quand il faisait beau, les passagers des fiacres quittaient souvent ceux-ci à la Géronstère pour descendre à pied jusqu’à la source de Barisart le long du pittoresque sentier longeant le ruisseau et dédié à Meyerbeer. Les chevaux se désaltéraient à l’abreuvoir prévu à cet effet.

L’étang situé à proximité a été comblé et remplacé par une pelouse sur laquelle on voit de gros blocs de pierre provenant des grottes démolies.

Dans son cadre de verdure, avec ses pelouses bien entretenues, ses vieux arbres dont un beau chêne et un châtaignier, Barisart présente un aspect riant et accueillant, bien différent du paysage dénudé qu’on voit sur la gravure de 1735.


(1) Archives de l’Etat, Liège, Cour de Justice de Spa, reg. 1, f. 13.
(2) Id., reg. 52, f7v°.
(3) Les Amusemens des eaux de Spa, 2e éd., 1735, t. II, p. 237, Ed. Culture et Civilisation, Bruxelles, 1975.
(4) En fait, d’après Jules Antoine, Toponymie de Spa, ce toponyme est formé à 1’aide du nom germamque Badurat (rad. badu = combat) qui a donné en wallon Barreit, Barré (p. 42).
(5) Lambert Lezaack, « Traité des Eaux de Spa », p. 205.
(6) Thomas Cutler, « Spa considéré dans son passé, son présent et son avenir », Bruxelles et Gand, 1853, p. 21.
(7) Dr Thomas Cutler, « Spa et ses eaux « , 1856, pp. 46-47.
(8) Jules Lezaack, « Les eaux de Spa, leurs vertus et leurs usages », 1871.
(9) Victor Scheuer, « Traité des Eaux de Spa », op. cit., 2e éd., 1881, p. 83.


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