Le professeur Louis Remacle, auteur d’un remarquable ouvrage sur le Parler de La Gleize, a consacré une monographie à un instrument très répandu autrefois dans le monde rural : le porte-seaux, appelé hârkê en wallon liégeois.(1)

Le sorfa
La palanche permet à une seule personne de porter deux fardeaux, l’un devant, l’autre derrière, de telle façon qu’ils se fassent équilibre : c’est un instrument de portage en balance sur l’épaule constitué par une pièce de bois entaillée aux deux bouts ou munie de crochets et courbée plus ou moins fort. Le porteur la place sur une de ses épaules, les fardeaux étant suspendus aux deux extrémités et il la tient avec la main qui se trouve du même côté, gardant une main libre avec laquelle il peut porter un 3e fardeau. Cet instrument est ancien et attesté dans l’ancienne Egypte et est connu aujourd’hui en Extrême-Orient, en Amérique centrale, en Afrique, en Russie et dans nos pays romans occidentaux, en Italie, en Espagne et au Portugal.

L’èk’nèye
Après cette introduction, l’auteur en vient au porte-seaux et à son histoire. Il apparaît comme un instrument plus perfectionné, plus moderne que la palanche et ne semble pas remonter haut dans le temps. Pour passer de la palanche au joug, il a suffi d’adapter la partie centrale de l’objet à la nuque et aux épaules. Il semble originaire de la Basse-Allemagne et s’est propagé en Europe occidentale, Angleterre, Irlande, Hollande, Scandinavie puis vers l’est et le sud (Belgique), France. Il a été introduit en Amérique du nord par des immigrants scandinaves et y porte le nom de yoke (joug).
Comme l’écrit Louis Remacle, le porte-seaux est un portoir-balance qui répartit la charge en même temps sur les deux épaules et permet de l’équilibrer tout en tenant à distance des hanches et des cuisses les fardeaux gênants, par exemple deux seaux remplis d’eau. Il peut être une simple planche échancrée en son milieu pour la nuque mais aussi être creusé pour s’appliquer convenablement sur les deux épaules. A l’origine, le joug n’était pas garni de chaînes mais de cordes. Parfois, des porteurs d’eau utilisaient un cerceau posé horizontalement sur les seaux et entourant le porteur comme on le voit sur certaines gravures.

Le joug et la palanche
L’instrument a été parfois fabriqué à la ferme même, du moins pour le modèle moins sophistiqué mais a aussi fait l’objet d’une fabrication en série par les boisseliers de la région de Nassogne ou de Couvin. Il servait surtout à aller chercher de l’eau à des puits et aussi à aller rapporter à la ferme le lait des vaches laissées dans les prairies.
Une partie importante du livre de Louis Remacle concerne les noms du porte-seaux : hârkê (Liège), gorê (ou goria), courbe, canole (type picard) ou kénole, joug (dans la moitié sud du Luxbg), colé(collier), tina (tiné), lamê, aminde (Brabant wallon), portwâre (Borinage) et pwètrê, haime, brô (Torgny), tronô (Mouscron), dossier (Rosieres), balonce (Limlet). Outre des termes généraux : bwè, portwâr, on trouve des noms désignant d’autres instruments (tinet) tina, courbe, joug, gorhê (collier de cheval), canole (licou de valet dérivé de canna, roseau), colé (collier de cheval), lamê (palonnier), (h)aminde (barre de fer) etc. Quant à hârkê, ce nom désigne aussi le tribart (entrave triangulaire que l’on met au cou des porcs).

Le tinet de brasseur
(1) Louis Remacle. Les noms du porte-seaux en Belgique romane. Le terme liégeois hârkê. Liège. Ed.du musée wallon 1968.
Léon Marquet
Vraiment très interessant