Desnié

Desnié est un paisible village situé à six kilomètres de la cité bobeline. Jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, il faisait partie du ban de Theux. En 1795, peu après la révolution, Desnié devient un des quatre villages de la commune de La Reid, détachée de Theux et érigée en commune indépendante. Cette situation durera jusqu’en 1977, année où suite aux fusions des communes, la commune de La Reid est à nouveau rattachée à l’entité de Theux.

Le carrefour de Desnié anciennement dénommé la place de Desnié (carte postale)

Le carrefour de Desnié anciennement dénommé la place de Desnié (carte postale)


Naguère, le village de Desnié (altitude 395 mètres à l’église) était principalement habité par des agriculteurs, des bûcherons, des éleveurs de moutons et des apiculteurs. C’est au début du 20e siècle que les cultures (pommes de terre, seigle, avoine) disparaissent au profit de la monoculture herbagère destinée essentiellement à l’élevage de vaches laitières ; quelques cultures reverront pourtant le jour pendant la 2e Guerre. C’est sous le 1er mayorat de Pierre Thorez (de 1921 à 1932) que l’électricité arrive au village et que les habitations sont raccordées à l’eau alimentaire. La dernière exploitation forestière se trouve au lieu-dit Pré Mack, entre Desnié et la Croix Papet.

De nos jours, le village a beaucoup changé, il s’est fort développé et est devenu essentiellement résidentiel. Particularité de Desnié : l’église du village est attenante au presbytère et à l’ancienne école communale ; les anciens Desniétois appelaient cet ensemble de bâtiments, « le tram ».

Après la construction de la première chapelle, la partie du village située au-dessus de l’édifice religieux se dénomma Haute-Desnié, et par opposition, toutes les maisons situées sur la partie qui se trouvait en dessous s’appela Basse-Desnié. En 2005, suite à l’extension du village et pour des raisons de sécurité et de facilité, des noms ont été donnés à toutes les rues et tous les chemins de la localité.
Desnié (en wallon, è Desgné), village situé le long de la route Marteau-Stoumont (construite en 1848), de part et d’autre du carrefour formé par la route précitée et la route Desnié-LaReid (construite en 1866), presque à mi-distance entre Winamplanche (altitude 252 mètres) et Bronromme (altitude 525 mètres), s’est principalement développé au début du 17e siècle.

Village de Desgnée, extrait carte Ferraris 1777 (Institut GéographiqueNational – www.ign.be)

Village de Desgnée, extrait carte Ferraris 1777
(Institut GéographiqueNational – www.ign.be)


En analysant la carte du comte de Ferraris, (ci-contre) considérée comme fiable pour l’époque, on se rend compte qu’il y a au village de « Desgnée » une bonne vingtaine de maisons en cette fin de 18e siècle. On constate également que quelques maisons isolées ne sont pas reliées à un chemin carrossable.

L’orthographe du nom a également varié au fil du temps. En 1430, on trouve le nom « foresterie d’Assegnées », en 1600 « Desgnée », la carte du R.P. Nicolas Le Clerc réalisée en 1730 indique « Desseigne », la carte Friex de 1744 mentionne « Daesenet » et sur la carte de Gérard et Vandermaelen datant de 1833 « Desnié ».

Les Desniétois sont surnommés « les tchèn’leûs », c’est-à-dire faiseurs de « tchènas », sortes de paniers oblongs faits de lamelles d’osier tressées avec une anse et un couvercle. Ils portent ce surnom car jusque dans les années cinquante, pendant les longues soirées d’hiver, beaucoup de personnes âgées fabriquaient des claies, des corbeilles et des paniers en osier. La dernière vannière s’appelait Fernande Louis. D’autres personnes les surnomment « les singlés » (les sangliers).

L’Eglise de Desnié (carte postale)

L’Eglise de Desnié (carte postale)

La paroisse

Au début du 18e siècle, les habitants de Desnié fréquentaient la chapelle de Winamplanche. En janvier 1784, un notable de la région, Henri Willem Chaudoir, fit don d’une terre de 30 verges petites dénommée « Terre Sounet » pour y bâtir une chapelle, le coût des travaux étant à charge des Desniétois. Deux ans plus tard, la construction était terminée. La chapelle était desservie par le vicaire de La Reid ou celui de Winamplanche.

En mai 1845, la paroisse de Desnié devient indépendante. Un cimetière y est adjoint en 1848 (le colonel Jacques Octave Osten, propriétaire au hameau d’« El Fagne », décédé en juillet 1863, est un des premiers à y avoir été inhumé). En mars 1848, l’abbé Lonchay arrive à Desnié ; c’est le premier curé de la paroisse. L’année suivante, il fait construire un presbytère et une école attenante. En 1850, la chapelle primitive, en trop mauvais état, est détruite et remplacée par l’église actuelle édifiée suivant les plans de l’architecte Marquet de Francorchamps. Elle est inaugurée en 1851, mais ne sera consacrée qu’en septembre 1855, par l’évêque de Liège, Monseigneur de Montpellier. L’église est dédiée à l’Immaculée Conception et à Saint Lambert.

Dès son arrivée à Desnié, François-Henri Michel (le 4e curé de la paroisse) veut doter le lieu de culte de trois cloches ; c’est pour cela que la tour de style roman (imaginée par l’architecte William Hansen) est érigée en 1883 contre la façade de l’église dont le clocheton initial a été enlevé. La plus grosse cloche (1090 kg), offerte par l’oncle du curé desniétois, donne le « sol » ; la moyenne (770 kg), payée par le curé lui-même, donne le « la » ; enfin, la petite (550 kg), due à la générosité des paroissiens, du conseil de fabrique et du conseil communal de La Reid, donne le « si ». Pendant la Seconde Guerre, en mai 1944, les Allemands enlèvent les cloches ; elles sont rapatriées en novembre 1945, mais la moyenne, fêlée, a dû être refondue.

En 1957, le cimetière situé à côté de l’église devient trop petit ; un nouveau cimetière est établi à l’entrée du village, le long de la route venant de Winamplanche.

Noms des desservants

A.J. Lonchay de 1848 à 1858,
Jean-Thomas Gilson de 1858 à 1868,
Hogge de 1868 à 1872,
François-Henri Michel de 1872 à 1892 (décédé à Desnié le 8 octobre 1892 après avoir été renversé par un cheval en course à l’hippodrome de la Sauvenière – sa tombe se trouve au cimetière de Desnié),
Jules Melchior de 1892 à 1903,
Léopold Dubois de 1903 à 1911,
Servais Delmotte de 1911 à 1915,
Emile Koch de 1915 à 1942,
Léon Gurné de 1942 à 1949 (fondateur du mouvement de jeunesse « Cœurs joyeux »),
Chanoine de Moffart de juillet 1949 à avril 1950,
Hugo Ceulemans d’avril 1950 à juillet 1961,
Jean Cabay de juillet 1961 à 1971 (curé des paroisses de Desnié et de Winamplanche),
Louis Dehottay durant 5 mois en 1971,
Jean Ninane de 1971 à 1974,
Henri Rost de janvier 1975 à avril 2004 (né aux Pays-Bas – curé des paroisses de Desnié, La Reid et Winamplanche – dernier curé ayant habité le presbytère de Desnié),
André Deblon (curé de Desnié, Becco et La Reid),
Ignace Nziyomaze d’octobre 2006 à fin août 2012 (né au Rwanda, curé de l’unité pastorale de Theux),
Floribert Kaleng Kakez de septembre 2012 à juin 2014 (né au Congo, curé des unités pastorales de Theux et de Spa),
Jean-Marc Ista depuis le 1er juillet 2014.

La chapelle de Haute-Desnié

La chapelle de Haute-Desnié

La chapelle de Haute-Desnié

En décembre 1944, lors de l’offensive Von Rundstedt, les Allemands sont de retour à Stoumont. La peur gagne les Desniétois car ils viennent d’apprendre que des véhicules allemands ont pris la direction du village. Avec leur curé Léon Gurné, ils prient. Ensemble, ils font le vœu d’ériger une petite chapelle si leur village est épargné. La petite chapelle a été construite durant l’automne 1946, par l’entrepreneur Stassart de La Reid, suivant les plans de l’architecte Bertholet de Spa, sur un terrain offert par la Commune. Les fonds furent réunis via une collecte paroissiale. La chapelle Notre-Dame de Banneux fut inaugurée le 15 décembre 1946 par l’évêque de Liège, Monseigneur Kerkhofs, entouré de tous les villageois.

A l’avant-plan la Croix de Basse-Desnié et le café épicerie (carte postale)

A l’avant-plan la Croix de Basse-Desnié et le café épicerie (carte postale)

La Croix de Basse-Desnié

En 1900, le docteur Albert de Damseau (Bourgmestre de Spa de 1891 à 1904) et son épouse Catherine Hayemal (propriétaire du domaine de Fagne Maron) font don d’un grand Christ en bois peint. Le Christ a été fixé sur une croix (fabriquée par Pierre Gonay, menuisier desniétois) placée au carrefour principal du village. En 1919, au même endroit, un arbre de la victoire a été planté par les élèves du village pour fêter la fin de la Grande Guerre. Un monument aux morts se trouve également sur le site qui est classé depuis novembre 1989.

Les élèves de l’école communale de Desnié en 1960

Les élèves de l’école communale de Desnié en 1960

L’école

En 1830, la commune de La Reid possédait une seule école située au centre du village de La Reid. Par tous les temps, malgré les distances à parcourir, elle était également fréquentée par les enfants des villages de Becco, Desnié, Vertbuisson et Winamplanche ; elle comptait 125 élèves.
En 1832, une école privée ouvrit ses portes à Desnié, elle accueillait 13 garçons et 8 filles. En 1849, le premier curé du village fit construire une école attenante au presbytère, cette école devint en 1883 l’école communale de Desnié. En 1900, une nouvelle classe fut construite non loin de l’ancien bâtiment et la cour de récréation fut entièrement réaménagée ; l’ancien bâtiment servit alors uniquement au logement de l’instituteur et de sa famille. Fin août 1971, le Conseil communal de La Reid décida de fermer l’école du village car il n’y avait plus que 5 élèves inscrits pour la rentrée de septembre.

Liste des instituteurs

Pierre Mathieu Goire,
Gilles Marc Job de 1840 à 1881 (sa tombe se trouve au cimetière de Desnié),
Maréchal,
Bragard,
Defrêne père,
Defrêne fils,
Donceel,
Ivan Dadseux,
Joseph Toussaint,
Jacquy Evrard.

Basse-Desnié, à gauche l’ancienne ferme Lepièce (carte postale) (Fin du 19e siècle, cette famille possédait une grande partie des terres et des maisons de Basse-Desnié)

Basse-Desnié, à gauche l’ancienne ferme Lepièce (carte postale)
(Fin du 19e siècle, cette famille possédait une grande partie des terres et des maisons de Basse-Desnié)

Les commerces

A Desnié, comme dans la plupart des villages environnants, il y avait jusqu’à la fin des années soixante des commerces de proximité. Au n°58 rue Haute-Desnié, Maria Job, l’épouse de René Louis, a tenu une épicerie ; auparavant, ce sont ses parents, Victorine Gernay et François Job qui tenaient le magasin. Sur le haut de la rue de Tolifaz, Yvonne Starck, l’épouse d’Omer Pirnay, a tenu une épicerie. Un café avec salle de fêtes (faisant également épicerie) existait au carrefour de Desnié. Durant les années trente, le commerce était tenu par Emile Lepièce-Léonard. En 1960, l’établissement fut repris par Jeanne Lepièce (la nièce d’Emile) et son époux René Englebert. Devenu habitation privée, il fut ravagé par un incendie en 1986. Par la suite, la maison n’a pas été reconstruite; les ruines ont été démolies et évacuées. Au n°21 rue de Tolifaz (anciennement Basse-Desnié), dans l’ancienne ferme Lepièce, un restaurant enseigné « A la Retraite de l’Empereur » a été exploité de 1963 à 1999. Les onze premières années, le propriétaire s’appelait Lucien Lempereur ; par la suite, ce dernier vendit son établissement à Giovanni Ciancaleoni. Actuellement, le bâtiment est occupé par un gîte de vacances.

La ferme de Tolifaz appelée de nos jours « Centre de Tolifaz »

Au n°28 rue de Tolifaz se trouve l’institution dénommée « Centre de Tolifaz ». Depuis 1987, l’ASBL Saint-Michel de Spa en est propriétaire ; elle y accueille et y occupe des adultes handicapés. Les bâtiments, à l’origine une porcherie industrielle, ont été construits par Alphonse Halut à la fin des années cinquante. L’élevage de porcs dura environ cinq ans. Ensuite, M. Halut implanta sur le site un camping avec piscine appelé « La Croix de Lorraine ». Ce complexe touristique, qui possédait également une salle avec café, a été exploité jusqu’à la fin des années soixante. Alphonse Halut vendit alors sa propriété, sur laquelle des Hollandais projetaient d’y construire un village de vacances. En 1973, un Comité de défense fut créé par les Desniétois, afin de protéger leur patrimoine rural et contrer les projets nuisant à leur qualité de vie.

Les Alloys Desniétwes

Avant la Seconde Guerre, un groupe de Desniétois s’était formé pour jouer des pièces de théâtre en wallon. Durant le conflit, le groupe multiplia les manifestations dans le but de récolter des fonds afin d’envoyer des colis aux prisonniers de guerre de la localité. Fin août 1945, un nom, « Les Alloys Desniétwes » (Les Alliés de Desnié), fut donné à la troupe qui continua à animer les soirées théâtrales et les activités villageoises. Parmi les acteurs, on peut citer : Simone Schmitz, Raymond Schmitz, Léa Adrien, André Adrien, Albert Demaret, Auguste Demaret, Simone Dohogne, Albert Dohogne. Vers 1980, la Société se transforma en « Comité des fêtes », abandonnant les activités du théâtre wallon au profit d’autres activités (le grand feu de la Saint-Jean organisé de 1986 à 2009, la tournée du père Noël). Actuellement, cette association ne propose plus d’activités !

Stèles de l’Armée secrète à Bronromme

Stèles de l’Armée secrète à Bronromme

Les événements du dimanche 10 septembre 1944

Alors que la ville de Spa est libérée par les troupes américaines, et qu’un drame horrible se déroule à Winamplanche, des combats font rage à l’entrée de Bronromme. Ils opposent la résistance à des troupes allemandes. Ils dureront toute la journée et feront plusieurs victimes parmi les résistants (Ernest Schulte, Phil Cimino, Roger Pirotte). Avant de quitter le hameau, les Allemands incendient la maison Langen, puis se replient sur la route menant à Stoumont au niveau de la ferme Lepièce-Archambeau qu’ils occupent depuis le milieu de la journée. Cette ferme, située non loin des bois, est isolée au milieu des prairies ; elle est exploitée en 1944 par la famille Masson de Pepinster. En tentant de fuir, l’agriculteur (Alphonse Masson) et un couple de réfugiés (Richard Bougard et Amélie Lardinois) sont fauchés par une rafale de mitrailleuse. En quittant les lieux, pour finaliser leur sinistre besogne, les Allemands mettent le feu à la ferme. Deux monuments (un le long de la petite route menant à Bronromme et l’autre le long de la route Desnié-Stoumont) nous rappellent ces tragiques événements.

Jean Lecampinaire

Sources :
La Reid (André Vlecken Editions Vinche)
Fagne Maron au temps passé (André Andries S.I. de La Reid)
Atlas toponymique de l’ancien ban de Theux (Jacques Otten Mémoire universitaire)
Dictionnaire de l’ex-commune de La Reid (Jean-Luc Seret 2011)
Brochure sur l’église de Desnié (Annette Lepièce et Jean-louis Formatin – 2012)
Inventaire raisonné du Cimetière de Desnié (André Andries – S.I. de La Reid – 2004)
La libération de Spa et de sa région (F. Bourotte – 1994)
M et Mme Raymond Schmitz
Madame Ginette Dohogne


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