Saint Nicolas

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Dans quelques semaines, nos jeunes lecteurs et leurs parents s’apprêteront à recevoir Saint Nicolas. Nous leur proposons aujourd’hui de redécouvrir quelques légendes consacrées au Grand Saint.

Sachons tout d’abord que St Nicolas a bien existé. On fixe sa naissance vers 270 à Patare, en Lycie (Turquie actuelle le long de la Méditerranée). Il fut nommé évêque de Myre.

La chanson la plus connue consacrée à St Nicolas est bien celle des  » 3 petits enfants « . Cette légende n’apparaît que vers les années 1200, elle n’est pas connue dans les récits de Vies grecques, dans aucun des recueils grecs des miracles du saint.

L’histoire met en présence trois petits enfants qui vont glaner (ramasser les restes d’épis après la moisson). La nuit les surprend et ils demandent l’hospitalité à un aubergiste, boucher, qui les tue et mélange les corps de ses victimes avec du porc salé ! Saint Nicolas les ressuscitera !

Mais reprenons le texte de la chanson.

Extrait d’une bande dessinée avant la lettre Gravure du XIX e siècle retraçant la vie de St Nicolas. (bib. nationale)

Les trois petits enfants

Ref. Ils étaient trois petits enfants
Qui s’en allaient glaner aux champs

S’en vont un soir Chez le boucher
– Boucher, voudrais-tu nous loger ?
– Entrez, entrez petits enfants,
Y a d’ la place assurément

Ils n’étaient pas si tôt entrés
Que le boucher les a tués,
Les a coupés en p’tits morceaux
Mis au saloir comme pourceaux.

Saint Nicolas, au bout d’ sept ans,
Vint à passer dedans ces champs,
Alla frapper chez le boucher
– Boucher, voudrais-tu me loger?

– Entrez, entrez Saint Nicolas
Y a d’ la place, y n’en manque pas !
Il n’était pas si tôt entré
Qu’il a demandé à souper.

– Voulez-vous-z-un morceau de veau?
– Je n’en veux pas, il n’est pas beau !
– Voulez-vous-z-un morceau d’ jambon ?
– Je n’en veux pas, il n’est pas bon !

– Du p’tit salé, je veux avoir,
Qu’y a sept ans qu’est dans le saloir !
Dès qu’ le boucher entendit ça,
Hors de la porte, il s’éclipsa.

– Boucher, boucher ne t’enfuis pas !
Repens-toi, Dieu te pardonnera !
Saint Nicolas alla s’asseoir,
Dessus les bords de ce saloir.

– Petits enfants qui dormez là
Je suis le grand saint Nicolas.
Et le saint étendit trois doigts
Les p’tits se r’lèvent tous les trois

Le premier dit : – J’ai bien dormi !
Le second dit : – Et moi aussi !
Et le troisième, le plus petit :
– Je croyais-z-être au Paradis!

Laissons les enfants rêver au miracle réalisé par St Nicolas pour tenter de comprendre avec Colette Méchin (St Nicolas éd. Berger Levrault) le sens de cette légende aux aspects cruels et fantastiques.

Comme on peut le voir sur de nombreuses gravures, St Nicolas est souvent représenté en habit d’évêque, avec à ses pieds un tonneau dont sortent les trois petits enfants. Pour certain auteur, la légende serait née d’une interprétation erronée de la représentation d’un autre miracle de St Nicolas. Il s’agit du sauvetage de 3 officiers romains condamnés à mort injustement.

Au Moyen Age, les captifs sont souvent représentés dans une petite tour et pour rendre la scène visible, la tour aura été coupée au milieu. Les protégés du saint étant souvent représentés en plus petite taille, on aura pris les officiers romains pour des enfants.

Les trois officiers romains

Cette légende plus ancienne raconte l’histoire de 3 officiers romains envoyés par l’Empereur Constantin rétablir l’ordre en Phrygie. Arrêtés par des vents contraires, ils font escale dans la ville de St Nicolas qui les reçoit. Ils étaient avec lui lorsqu’on vint lui apprendre la condamnation à mort de trois innocents. Nicolas et ses invités se précipitent sur le lieu de l’exécution; le saint arrache l’épée des mains du bourreau et ordonne la libération des trois prisonniers. Les Romains poursuivent alors leur voyage, « réduisent les ennemis de l’empereur sans nulle effusion de sang », et vont rendre compte de l’issue heureuse de leur mission à Constantinople où ils sont reçus avec grands honneurs. Cependant des envieux vont dénoncer les trois militaires comme préparant un complot contre l’empereur. Jetés en prison, ils sont condamnés à mort à brève échéance, lorsque l’un d’entre eux, se souvenant de l’action de saint Nicolas pendant qu’ils étaient à Myre, le prie d’intervenir.

La nuit même, saint Nicolas apparaît en songe à l’empereur et au préfet responsable de leur arrestation et leur ordonne de libérer les trois hommes.

L’empereur croyant à un sortilège fait venir les prisonniers, puis, admettant qu’il s’agit d’une intervention miraculeuse, les fait délivrer.

Le chiffre 3

Cette histoire met en évidence le chiffre 3 que l’on retrouve dans la légende des trois petits enfants. On constate en effet que d’autres légendes mettent en scène 3 personnages. Nous avons déjà rencontré 3 officiers romains, 3 innocents, les 3 petits enfants. Une autre légende nous raconte l’histoire de 3 jeunes filles.

Alors qu’il était encore jeune homme, Nicolas apprend qu’un homme ruiné, père de 3 filles songe à les prostituer.

Nicolas vint alors déposer de nuit, sans être vu, une bourse pleine d’or, sur le bord de la fenêtre de la maison de cet homme qui put ainsi marier l’aînée « selon le rang de sa naissance »; le manège se renouvelle une seconde fois sans histoire mais à la troisième tentative, le père veillait et put connaître par ce moyen son bienfaiteur.

La légende populaire, en Orient comme en Occident, sert de prétexte pour justifier la confiance des jeunes filles en ce saint favorable au mariage, mais on verra que dans le Nord et dans l’Est de la France, ce sont les garçons en âge de se marier qui l’ont pour patron.

D’autres détails, comme le fait qu’au jour de sa naissance le Saint se tient debout durant 3 heures, montrent que les auteurs se sont attachés à mettre en valeur le chiffre 3, à un moment où il était nécessaire d’enseigner le dogme de la Trinité (un Dieu en 3 personnes) Pour d’autres historiens, il faut comprendre que la religion catholique a emprunté le système trinitaire des anciennes religions.

Après ces détours qui nous ont permis de découvrir d’autres légendes, revenons à nos trois petits enfants de la chanson.

Ils se livrent à une activité qui clôt le cycle des récoltes.

En effet, la moisson est terminée et les familles démunies en profitent pour ramener les derniers épis oubliés; c’est le glanage.

A cette époque, on permet aux troupeaux de porcs notamment, de pâturer dans les chaumes. Les cochons sont redoutés des enfants car il n’est pas rare de voir ces animaux domestiques attaquer les jeunes enfants ( des accidents mortels sont relatés dans les archives ).

De plus, au moment où la chanson est écrite, la population croit qu’en cette saison, les âmes ont le droit de circuler librement la nuit.

Toutes ces raisons permettent de comprendre pourquoi nos petits enfants attardés dans des champs ouverts aux cochons et aux esprits cherchent refuge chez un boucher, pour ne pas passer là nuit dehors. Or, il faut vraiment avoir peur pour demander l’hospitalité à un boucher, car ce dernier, comme tous les membres de cette corporation et les pâtissiers sont des personnages particulièrement méprisés (excusez-nous messieurs!). Le boucher se définit comme « le maître redoutable de la viande » : il peut à son gré modifier les limites de la consommabilité des viandes et rendre permises des viandes taboues. Avec le pâtissier, il avait le droit d’accommoder les viandes dans des pâtés.

D’autres contes du Moyen Age montrent les actions peu recommandables de certains bouchers qui enlevaient les enfants pour en faire des pâtés fort appréciés !

Face à ces créatures menaçantes, l’enfant peut compter sur la bienveillante protection de St Nicolas.

N’oublions pas non plus parmi ces dangers le fameux « Croquemitaine » qui enlevait et mangeait les enfants difficiles. E. Monseur (Le folklore wallon 1892) cite une comptine dite à Theux, la veille du 6 décembre :

Sint Nicolé
Hapé l' Bâbou
car i m' fé s' hégn
cim' fé paou
hapé li tot' sé djey
mété lè è vos banstê
copé lî lès orêy
mété lè è vos sétchê
Sin Nicolè
hapé l'Bâbou
car lê si lê
c'im fê paou.
Saint Nicolas
saisissez le Babou
car il me fait sa grimace
qui me fait peur
prenez-lui toutes ses noix
mettez-les dans votre panier
coupez-lui les oreilles
mettez- les dans votre sac
Saint Nicolas
saisissez le Babou
car il est si laid
qu'il me fait peur.

La Babou est le Croquemitaine wallon, c’est un vilain bonhomme aux cheveux rouges, à la face grimaçante.

Actuellement, nos petits enfants n’ont plus besoin de St Nicolas pour combattre les cochons et les esprits qui errent la nuit dans les champs. Croquemitaine et Hanskrouff qui volent et dévorent les enfants désobéissants ne font plus peur à personne. Ces « dangers » ont pris des formes nouvelles, ils s’appellent voitures, télévision, publicité, consommation … Saint Nicolas restera toujours le protecteur des petits enfants !

Avant d’être fêté par les enfants, St Nicolas était le patron des jeunes gens … Mais cela est une autre histoire dont nous reparlerons l’année prochaine.

Pol Jehin


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