Le bouquet de M. BRODURE

Si l’industrie des « Bois de Spa » a produit bon nombre d’objets, principalement des coffrets peints et vernis et des ouvrages tournés témoignant de l’habileté des artisans spadois, tabletiers et tourneurs d’autres objets caractéristiques ont également été réalisés à partir de 1860 environ, à savoir des objets sculptés et peints.

Le plus bel exemple est le célèbre bouquet sculpté par Mathieu Brodure en 1862 (1) qui fait aujourd’hui à juste titre l’admiration des visiteurs du musée de la ville d’eaux.

Comme l’écrit Melle Lydiane de Moerloose dans son mémoire de licence en Art et Archéologie sur les Bois de Spa ‘  » Ce chef d’œuvre de virtuosité technique est réalisé entièrement en bois, même jusqu’ aux tiges les plus fines. Certaines parties, comme les fleurs ont été rehaussées de couleurs (non vernies) de manière à créer l’illusion de la réalité.  » (2)

Le bouquet de Mathieu BRODURE.

Le bouquet de Mathieu BRODURE.

Ce bouquet imposant est composé de fleurs sauvages les plus variées : digitales, chèvre-feuille, reines-marguerites, coquelicots, bleuets, myosotis, liseron, genêts, pâquerettes, etc … avec en outre des abeilles, papillons , libellule et insectes criants de vérité. Il mesure 830 x 550 mm et a été réalisé à l’aide d’un couteau à lame biseautée dans du bois de tilleul ou de platane.

Il s’agit évidemment d’une pièce exceptionnelle car Mathieu Brodure et les autres sculpteurs spadois qui ont imité son exemple, tels que Jules Christophe, Durant et Antoine Henrard ont surtout sculpté des objets plus petits : broches, boucles d’oreille, médaillons, épingles de cravates, ou épingles à chapeau, qui, comme nous l’apprend Melle de Moerloose, étaient généralement confiés pour être peints à des peintres décorateurs par exemple : Ernest Krins, Joseph Henrard, Jean Courbe etc …

L’initiative de Mathieu Brodure qui, vers 1860, avait créé pour l’industrie locale un créneau nouveau fut rapidement imitée par d’autres artisans et connut un franc succès qui se prolongea au moins jusqu’aux années 30. En effet, les objets fabriqués de plus ou moins grande taille étaient d’un prix plus abordable que les boîtes de Spa. Ces broches, boucles d’oreille et autres colifichets présentent les formes et les décors les plus variés: roses et fleurs des champs (pensées, violettes, marguerites), têtes de cheval, de chiens, insectes (papillons, mouches, abeilles, coccinelles), oiseaux (hirondelles, pigeons), feuilles de houx, de lierre etc …

Le n° 225 du catalogue n° II annexé au mémoire sur les bois de Spa présente par exemple la photo en couleurs d’une jolie broche en forme de feuille de hêtre roussie par l’automne avec un papillon sculpté séparément (collection du musée).

On trouve cependant, comme le signale Melle de Moerloose, des objets plus importants: encadrements de miroirs ou de photos sculptés en relief de feuilles de vigne ou de chêne, bénitiers en forme de coquille surmontés d’une garniture florale (roses, etc … ), des pinces à lettres avec ressort. (ill. 180)

Boucles d’oreilles en Bois de Spa.

Après le décès de son mari, Mme Brodure proposa le rachat du bouquet à l’administration communale. Celle-ci demanda l’avis de la Commission du Musée concernant cette acquisition.

Comme nous l’apprend un article publié dans la saison de Spa du 18 septembre 1904, cette commission émit en faveur de l’achat les considérations suivantes :

C’est le résumé complet d’une vie laborieuse.
C’est l’unique spécimen d’un art délicat dont Brodure fut le créateur.
L’artiste a été honoré de distinctions flatteuses en Belgique et à l’étranger; son nom figure dans la liste des maîtres de l’art industriel spadois à côté des Leloup, des Xhrouet, des Tahan et des Dagly.
Ce bouquet représente, taillés dans le bois et avec une scrupuleuse exactitude et d’après nature des fleurs, des papillons et des insectes du sol ardennais.
Sa place est marquée au Musée Spadois pour compléter la riche collection de bois peints et sculptés rassemblés après de pénibles efforts, et il serait vraiment regrettable que ce modèle d’un art spécial local fût enlevé de Spa par quelque amateur étranger.  »

Pour l’achat de ce chef d’œuvre dont le prix était de 2500 frs., la ville de Spa bénéficia d’un subside de 1250 frs alloué par le Ministère de l’Agriculture.

Ajoutons que Mathieu Brodure réalisa également des œuvres en céramique utilisant de la terre plastique de Nivezé. En septembre 1886, il proposa à un concours-exposition qui eut lieu au Waux-Hall des faïences finement décorées de fleurs, de feuillages et de personnages et remporta un prix de trois cents francs. On trouvera dans un article de Monsieur Guy Peeters consacré à la céramique spadoise et publié dans le Bulletin Histoire et Archéologie spadoises n° 54 (juin 1988) des détails sur ce concours ainsi que la photographie d’une théière ornée de boutons et feuilles de roses en relief, œuvre de Mathieu Brodure ( collection Musée de la Ville d’eaux).

Léon Marquet.

(1) Mathieu Brodure, sculpteur né en 1834 et décédé en 1904

(2) Ce mémoire présenté en 1987 pour l’obtention de licence en Archéologie et Histoire de l’Art de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Louvain-la Neuve peut être consulté à la bibliothèque communale de Spa. Après un historique des bois de Spa, on trouve dans ce remarquable mémoire des chapitres consacrés aux techniques de fabrication et de décoration, une étude des thèmes et de l’évolution stylistique des décors et des formes ainsi qu’une liste alphabétique des artisans et artistes spadois.


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