Meurtre dans la vallée des serpents

Qui, à Spa, n’a pas entendu parler de Gaëtan Doppagne, ce spécialistes des serpents, lézards, mygales et autres animaux à sang froid. Pendant les vacances, Gaëtan a exposé quelques beaux spécimens à l’école Roi Baudouin. Par ailleurs, ce jeune homme « loue » régulièrement des animaux de sa collection pour des émissions et films télévisés. Si on ne trouve pas d’anacondas, ni de boas ou de crotales dans nos jardins ou dans nos bois, cela ne signifie pas pour autant qu’il n’existe pas de serpents dans notre région.

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Dans la vallée du Wayai, il y a des endroits où il n’est vraiment pas rare d’en observer au moins une, je parle évidemment de dame couleuvre.

Ces endroits ont toujours la même caractéristique : ils sont humides et fort inaccessibles car coincés entre la rivière et la ligne de chemin de fer. De plus, la végétation y est assez dense.

Ainsi, lorsque l’autre jour, je vis la pancarte qui annonçait l’exposition de Gaëtan, il me prit l’idée de faire une balade derrière la centrale électrique du Turon afin de rendre visite à mes amies couleuvres. Je garai ma voiture devant la centrale et muni de bottes, je descendis au bord du Wayai.

Avec les fortes pluies des derniers jours (c’était au mois de juillet), je me rendis rapidement compte que mes bottes étaient bien inutiles. L’eau de la rivière m’arrivait jusqu’aux cuisses et je dus traverser prudemment afin de ne pas glisser à cause de la force du courant. Arrivé de l’autre côté du Wayai, mon pantalon était trempé et il ne me restait plus qu’à vider mes bottes et tordre mes chaussettes. Sur l’autre berge, une belle prairie plantée de quelques peupliers m’attendait. Visiblement, la prairie venait d’être fauchée, ce qui faciliterait mes recherches. A peine avais-je fait quelques mètres, qu’une macabre découverte me fit tressaillir. Je crus d’abord qu’elle vivait toujours, mais sa belle langue brune et fourchue, qui habituellement entrait et sortait de sa bouche, restait désespérément immobile. Je constatai qu’elle était morte. Une déviation nette dans la colonne vertébrale, juste en dessous de son beau collier jaune, derrière la tête, ne laissait pratiquement pas de doute : j’avais à faire à un crime !

J’emportai donc la dépouille chez moi afin de procéder à l’autopsie. La mort devait remonter à quelques jours tout au plus. « Sans nul doute, on sera tombé dessus en fauchant le champ », me dis-je.

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A peine rentré, un attroupement d’enfants m’entourait. « Mon papa a attrapé un serpent », criait ma fille, rouge d’excitation. On installa la dépouille sur la table dans le jardin. Après avoir effectué la mesure (plus de 95 cm !), muni d’une paire de ciseaux, je commençai le sale boulot devant de jeunes spectateurs attentifs. Mes soupçons se confirmaient : en la transportant, j’avais déjà senti comme un chapelet dans la partie arrière de l’animal : elle était prête à pondre. « Ah, les salauds ! », m’écriai- je. Silencieux, les enfants regardaient la rangée d’œufs que mes ciseaux venaient de mettre à jour . « Au moins comme çà, ils retiendront que les serpents sont ovipares », pensai-je, en les regardant.

Avec les ciseaux, nous remontions peu à peu, les intestins, l’estomac, le cœur. Le silence avait fait place à des grimaces de dégoût. Nous arrivions au point crucial : visiblement, le serpent avait été victime d’un coup de pelle ou d’une pierre, écrasant la colonne à l’endroit touché. Sera-t-elle morte directement ou après de longues heures d’agonie ? Nul ne le saura jamais.

Une chose est sûre, les meurtriers, eux, courent toujours ! Ne savaient-ils donc pas qu’une couleuvre n’est ni venimeuse, ni dangereuse ? L’ignorance était-elle le premier mobile du crime ? C’est probablement à cause de cette même ignorance, que les couleuvres sont devenues si rares aujourd’hui. Dommage !

J-M Monville


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